Midi trente au Palais des Beaux-Arts de Lille. Ce n’est certainement pas l’heure attendue pour « voir » un chef d’orchestre. C’est encore moins son repère habituel.
Midi trente au Palais des Beaux-Arts tout de même et une rencontre d’Alexandre Bloch, chef de l’Orchestre National de Lille, avec une partie infime et privilégiée de son public. Visite organisée dans le cadre de l’évènement « Orchestre en Fête », savamment et sobrement guidée par Bruno Girveau, Directeur du musée en personne.
Midi trente : un musée, un spécialiste de l’art, un chef d’orchestre. Apollon a mis ses écouteurs et il a bien raison ! Ce qu’on entend lors de ces visites est passionnant.
Incarner la musique classique, simplement
Sortir de leur torpeur les publics habitués, susciter la curiosité des non-initiés, démocratiser la sortie au concert. Autant de missions nouvelles de l’orchestre moderne dont s’est emparé l’Orchestre National de Lille. Autant de visages de la musique classique qu’Alexandre Bloch incarne désormais avec une naturelle et touchante simplicité.

Notre chef d’orchestre lillois a choisi six oeuvres picturales (Paul Bril, Rubens, Courbet, Manet, Monet, Chagall) et il répond alors à une question unique et simple : Pourquoi avoir choisi ce tableau ?
Vous l’aurez compris. Nulle envie de faire état d’un savoir académique pointilliste chez notre chef. La question appelle les souvenirs personnels car c’est cela qui plait à l’auditoire. En livrant une partie de son moi profond, de son intimité familiale ou artistique, le chef d’orchestre appelle au spontané et offre une version humaine et sensible du savoir qu’il représente.
Eloge de la conversation : Au musée ou au concert, comme dans un salon

Cette promenade de midi trente dans les salles d’un musée magnifique et guidée par Alexandre Bloch, c’était aussi une invitation à la conversation. Dialogue simple et vrai entre le chef d’orchestre et son public, conversation entre la musique et les beaux-arts. Là aussi une très belle réussite.
Quoi de plus touchant en effet que d’écouter, assis ou déambulant librement devant l’immense tableau « La descente de croix » de Rubens, une composition musicale de Thierry Escaich : « Les vertiges de la croix » ? Mieux ! Entendre l’histoire et la genèse de cette musique par le chef d’orchestre qui l’a ensuite dirigée et enregistrée. Voilà que la peinture a inspiré la musique. Parfois c’est l’inverse. L’important c’est de comprendre : Quand la naissance de l’oeuvre est ainsi élucidée, le public l’écoute ou la regarde autrement.
Les regards d’un chef d’orchestre sur les métiers de la création : une famille attachante
Le chef d’orchestre moderne se défait volontiers de sa baguette pour mieux communiquer avec son public. C’est que le public a évolué. Il adulait jadis les icônes de la musique classique sur papier glacé. Il se méfie aujourd’hui des images d’Epinal et souhaite entrer dans les coulisses. Là encore, Alexandre Bloch accomplit l’exercice subtilement, tout en bienveillance.
Un orchestre, rappelle-t-il, ce sont des musiciens (99 pour l’ONL) et des hommes et des femmes (30 à l’ONL) qui travaillent tous ensemble pour servir l’art. Une petite société dont les membres s’apprécient ou pas, s’aiment, se marient et divorcent. Une société que le chef d’orchestre conduit pour mieux servir une seule mission : donner du plaisir à ceux qui viennent un soir, le temps d’un concert.
Il est 13h30 quand la visite se termine. Un monde mêlé de couleurs et de sonorités s’est offert au public ce jour-là. Et le chef de terminer avec une citation de Marc Chagall …
Si toute vie va inévitablement vers sa fin, nous devons durant la nôtre, la colorier avec nos couleurs d’amour et d’espoir.
