Voyages en Omnibus puis en TV : Le chef d’orchestre consommé par la « Vidéo Star » ?

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Crédit photo : Marcovarro pour Shutterstock

Il n’est rien ici que vous ne connaissiez déjà.

Pensons à Omnibus, série américaine présentée par le révéré chef d’orchestre Léonard Bernstein. Mais aussi…. aux marronniers des journaux télévisés et des émissions culturelles quand la date impose à tout prix le portrait presque hagiographique d’un chef d’orchestre.

Rien que vous ne connaissiez déjà. Avez-vous pourtant déjà regardé ces films ou ces vidéos en vous interrogeant …. Et si le chef d’orchestre, en tant que sujet de communication privilégié de la musique classique, était comme happé, mangé, consommé tel un produit ? Et si la « star vidéo » était en train de réduire le chef d’orchestre à ce qu’il ne peut pas être, c’est-à-dire un objet de consommation ?

Omnibus ou le temps béni de la pédagogie

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Léonard Bernstein. Crédit photo : Shutterstock

Novembre 1954, Léonard Bernstein apparaît pour la première fois dans l’émission Omnibus sur la chaîne américaine CBS et dont le producteur n’est autre que la Fondation Ford. Le programme est hebdomadaire et sa durée est d’environ d’une heure. Format intéressant pour ces consommateurs de « micros tout » que nous sommes devenus.

En 1954, on prend le temps. De parler, d’expliquer, de jouer. Le charismatique Léonard Bernstein y gagnera sa réputation de chef pédagogue. Plus tard, il formulera avec élégance son « urgence », une nécessité de donner ce qu’il sait et ce qu’il sent de la musique.

Prenez donc le temps et regardez cet épisode consacré à la direction d’orchestre. A quoi sert le chef d’orchestre ? Quelles sont les circonstances de son avènement à la tête des orchestres ? Que fait-il donc avec sa baguette ? Quelles sont les qualités attendues du chef d’orchestre idéal ? On se retrouve après…

Avez-vous remarqué votre capacité à écouter alors même que votre oeil n’est pas distrait par des sous-titrages, des changements de plans incessants, des interviews extérieures et une image belle et travaillée ? Avez-vous même remarqué ce timbre de voix du chef et son rythme de parole posé, mesuré et maîtrisé ? Et la sobriété de tous ? Dans leur mise et leur gestuelle ? Dans leur manière de se confronter à la caméra ?

Eh oui, Léonard Bernstein, le chef pédagogue, l’excellent passeur de savoir pratique tout ce que la télévision actuelle récuse. Il parle longuement, sans jouer avec les images, et sans casser le rythme de la narration. Il occupe le temps que nous ne prenons plus. Sommes-nous en train de nous défaire peu à peu de notre capacité à entrer dans la connaissance sans la survoler ?

La « Vidéo Star » ou l’art du plus vite, plus simple et plus imagé érigé en art de la pédagogie

L’internaute et le « vidéophile » contemporains aiment les vidéos qui ont toutes été produites avec les mêmes ingrédients. Pour être « vu » des milliers ou des millions de fois, une seule recette. Soyez bref, imagé, cadencé. Autrement dit : racontez des histoires mais pas trop longuement, soignez votre iconographie ou votre sens de l’image, évitez la monotonie à tout prix. La vidéo moderne est donc « vue » des milliers de fois. Mais est-elle « regardée » comme il se doit ?

Si notre propos n’est pas d’expliciter l’impérieuse et moderne nécessité d’aller vite, au plus vite et à l’essentiel, on s’interroge tout de même. Portraits de chefs programmés le dimanche soir ou la veille de fêtes. Reportages tonitruants se délectant du caractère difficile de tel ou de tel maestro. Angles de tournage savamment orientés qui mettent en valeur la palette immense (et orageuse) des expressions du visage des chefs.

Et si la « Star Vidéo » se jouait des chefs plutôt que de les servir ? Et si la « Star Vidéo » qui aime tant les chefs médiatiques avait oublié son essence première et profonde : faire découvrir la musique classique au plus grand nombre en donnant les clés du savoir plutôt que d’imposer les codes d’un « star system » ?

Nous répondrons que la « Vidéo Star » moderne oublie trop souvent (aussi) les propriétés avérées du rire et de l’humour en communication. Voici donc en clin d’oeil « Le permis de conduire un orchestre » par Jean Poiret et Michel Serrault en 1964.