
Ces fantaisies là, ce sont les Fantaisies du Second Empire, Harmonium et Piano en duo, un disque de Jérôme Granjon et Emmanuel Pélaprat paru aux Editions HORTUS.
Ecoutez ce disque, un coup de foudre musical pourrait vous prendre de surprise. Lisez ensuite son histoire, vous découvrirez tout un pan de la culture musicale française presque oublié.
Au début de l’histoire : La petite messe solennelle de Gioachino Rossini
Un concert en France. En musique de fond, la Petite Messe Solennelle de Gioachino Rossini, une oeuvre créée en 1864 à Paris pour quatre solistes, un choeur mixte, deux pianos et…. un harmonium. Deux artistes se rencontrent et marient de suite leurs affinités musicales. Le premier est pianiste et s’intéresse aux pianos historiques. Le second est passionné par l’harmonium. Jérôme Granjon (Piano) et Emmanuel Pélaprat (Harmonium) sont alors prêts à unir leurs passions. Le résultat est un duo Harmonium et piano, séduisant et expressif.
Emmanuel Pélaprat, Harmonium. Crédit photo : L’Oiseleur Jérôme Granjon, Piano. Crédit photo : Blandine Soulage
La valeur intrinsèque d’oeuvres musicales méconnues
Les Fantaisies du Second Empire contiennent trois opus qu’il serait juste de considérer comme des sommets du répertoire français pour piano et harmonium. Ils sont toutefois bien davantage car dans cette musique, il y a de la virtuosité, de l’invention, du talent et de la poésie.

Bien sûr, il y a la Sonate (Opus 61) d’Alfred Lefébure-Wely, enregistrée ici en première mondiale. Alfred Lebéfure-Wely était l’un des musiciens les plus en vue du Second Empire, pianiste virtuose et organiste dans les églises parisiennes de Saint-Roch, de la Madeleine puis de Saint-Sulpice. Une grande partie des oeuvres de cet improvisateur et compositeur de génie reste méconnue et certaines oeuvres importantes ont été égarées. Et c’est là que commence la belle histoire de la sonate opus 61. La partition était en effet demeurée introuvable malgré des mentions d’exécution en 1851. Introuvable… jusqu’à sa redécouverte fortuite lors d’une vente aux enchères par Emmanuel Pélaprat. Oh vous vous doutez bien que cette redécouverte, même si chanceuse, n’en était pas moins attendue et espérée durant de longues années de recherche ! La voilà désormais enregistrée par nos deux artistes. Magistrale, et enchanteresse. Emouvante aussi. 150 ans sans être jouée.
Les autres oeuvres présentées par nos artistes ne sont pas moins envoutantes. On découvre l’incroyable poésie du Prélude, fugue et variation, opus 18, de César Franck, une oeuvre qui fait la démonstration de toutes les possibilités musicales offertes par un duo harmonium-piano. Et puis, les Six Duos du jeune Camille Saint-Saëns, bien plus que ces « petits » duos comme il les appelait. Ils sont en effet l’un des premiers exemples de l’utilisation en France du choral dans la musique profane.
Mais qu’on ne s’y trompe pas, il y a l’histoire mais aussi le plaisir. Ces pièces sont belles ! Tout simplement.
Fantaisies sur claviers historiques

Les Fantaisies du Second Empire ont été enregistrées sur des instruments historiques : un harmonium Mustel de 1889 et un piano Erard de 1902. Elles sont, au surplus, interprétées par des musiciens passionnés d’instruments anciens.
Harmonium ou orgue expressif…..
Inventé par Alexandre-François Debain puis perfectionné par Victor et Alphonse Mustel, cet instrument, conçu comme un instrument de salon, gagne ses lettres de noblesse à l’époque du Second Empire.
Emmanuel Pélaprat, musicien et chercheur, consacre depuis de très nombreuses années une partie importante de son travail à cet instrument très injustement méconnu. Cet amoureux de l’harmonium Mustel est aussi un redécouvreur d’oeuvres perdues : La Sonate Opus 61 d’Alfred Lefébure-Wely mais aussi des oeuvres de Saint-Saëns, Grandval et Schartel.
Piano historique…
Granjon s’intéresse depuis plusieurs années aux pianos historiques. L’entendre évoquer son travail laisse entrevoir tout un pan trop souvent méconnu du travail de l’interprète. Comme il le dit si bien, « le piano moderne est si polyvalent et si performant qu’on est presque dans l’illusion de la maîtrise sonore ». Le piano ancien, lui, est unique. L’artiste doit s’adapter à l’instrument ancien mais il sort de son échange avec lui grandi et enrichi.
Ecoutez ces Fantaisies du Second Empire. Talent des compositeurs, des artistes et de leurs instruments. Cette heure-là pourrait vous enchanter…
L’Expression, en musique, c’est l’âme, c’est la vie.
Alfred Mustel