Le Palais Royal a terminé sa représentation. 13 mars 2019, il est presque minuit.
Evoquer un spectacle en commençant par la fin, quelle idée ! Et pourtant, ces minutes là sont précieuses. Sur la scène vide, devant un décor ancien de bois remonté pour l’occasion des sous-sols de l’ancien Conservatoire de Paris. Celui-là même devant lequel Hector Berlioz a créé sa Symphonie Fantastique. Et puis un piano de concert Erard de 1902 que son propriétaire, Jean-Marc Touron, a l’élégance d’ouvrir pour nous. Des minutes silencieuses et presque furtives venues délicatement clore une folle soirée brillante et passionnée. Une maestria offerte à Hector Berlioz le Fantastique, toute en joie.
« Berlioz, c’est cette fureur, cet amour de la musique, cette passion de la beauté. «
Jean-Philippe Sarcos
Berlioz le Fantastique ou les épisodes de la vie d’un artiste. Le titre de ce concert donné par le Palais Royal dans la vénérable salle de l’ancien Conservatoire de Paris n’est pas anodin. D’un livret écrit par Emmanuel Reibel, musicologue et spécialiste de Berlioz, d’une dramaturgie en échos entre pages chantées et saynètes jouées, et d’une évidente communion entre les artistes naissent le beau et le joyeux.
Humeurs fantasques de Berlioz : la scène qui s’enivre

Dans cet ancien conservatoire de Paris, là même où Hector Berlioz fut étudiant puis bibliothécaire, chantent ensemble des artistes qui accomplissent le miracle de rendre hommage sans abandonner le sourire enthousiaste de leurs jeunes années. C’est essentiel puisqu’Hector Berlioz est à lui-seul le symbole d’un renouveau de la musique française. Depuis la mort de Rameau, la musique française étouffée et claquemurée par les années sombres de la Révolution n’était plus jusqu’à ce qu’un jeune fantasque au destin déterminé par un amour inconditionnel de la musique ne fasse sonner en France les notes d’un répertoire nouveau.

Jeunesse donc. Et puis talent de ces artistes à la fois chanteurs et acteurs dirigés par un chef d’orchestre charismatique, engagé et engageant, Jean-Philippe Sarcos.
La mise en scène de Benjamin Prins, quant à elle, est une réussite certaine : esthétique et fluidité en sont les meilleurs qualificatifs. Sur scène, on va et vient, on virevolte avec naturel et prestance. Et comment ne pas être charmé (le mot est faible) de ces instants presque solistes … et drôles de Marina Ruiz et d’Alexandre Martin-Varroy ?

Hector Berlioz bouleversé : la scène transfigurée
Il a le physique idoine. Ou bien le talent nécessaire à la transfiguration. Frédéric Le Sacripan est Hector. Jeune fougueux, révolté et contrariant la tradition incarnée par Luigi Chérubini pourtant venu diriger le Conservatoire de Paris en 1822 pour ressusciter la musique en France. Qu’à cela ne tienne, la jeunesse balaie parfois pour mieux inventer. Frédéric Le Sacripan occupe la scène du vieux conservatoire comme habité par le fantôme du génie qu’il incarne. De la fougue au désespoir, tout est joué avec justesse : tonalité de la voix et ampleur de la gestuelle maîtrisées à la perfection.
Crédit photo : Mylène Natour
Et ce piano alors ? Souvenez-vous. Un Erard de concert de 1902… Un instant à part. Presque une mise en abîme de la vie d’Hector Berlioz compositeur isolé et incompris, seul avec lui-même, ses amours et ses démons. Orlando Bass interprète la transcription par Franz Liszt pour piano solo de la Symphonie Fantastique : un bal. Dans la salle, on retient ses mouvements et son souffle tant l’instant est précieux.

Les artistes du Palais Royal et leur chef Jean-Philippe Sarcos ont raconté, chanté avec brio, joué avec sensibilité la vie de l’un des compositeurs français les plus fantaisistes. Un hommage brillant à Hector Berlioz.
Berlioz Le Fantastique, c’est l’histoire de la naissance du fantasque français.
Benjamin Prins

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