
Clara et Robert Schuman, c’est un couple rare dans l’histoire de la musique classique. C’est aussi, depuis le 29 mars 2019, le titre d’un disque enregistré par Marie Vermelin chez Paraty.
Ce disque, enregistré sur un piano Bösendorfer 280 Vienna Concert, est une invitation dans la maison Schumann. Il porte un regard délicat sur l’intérieur musical et émotionnel d’un couple passionné et unique.
La maison Schumann, en toutes lettres
En 1846, Ernst Rietschel fixe dans un médaillon une effigie androgyne inspirée d’un personnage mythique qui a fasciné les premiers romantiques. Cet être à double profil, c’est Raro…. Ra pour Clara et Ro pour Robert. Clara et Robert Schumann.
Ra est la moitié de Ro et Ro est la moitié de Ra. En amour bien sûr. Clara et Robert ont connu les années de fiançailles douloureuses, la séparation subie puis le procès avec le père de Clara avant que le mariage ne les unisse enfin. L’union est solide, inconditionnelle et passionnée.
Mais le couple Schumann est aussi épistolaire. Il y a, en effet, ce fameux journal à deux voix qu’ils ouvrent le soir même de leur mariage le 12 septembre 1840. Un document inédit dans l’histoire de la musique qui porte toutefois en lui un défaut majeur : il s’achève à la fin de l’année 1843. Restent alors les nombreuses lettres et le journal intime de chacun, preuves innombrables d’un amour enthousiaste et exalté.
En toutes partitions, ou presque
Marie Vermeulin. Crédit photo : William Beaucardet Marie Vermeulin. Crédit photo : William Beaucardet
La musique, lieu privilégié du dialogue
Au delà des échanges épistolaires, la musique est le lieu privilégié du dialogue pour Clara et Robert. Les partitions font donc mieux que le journal intime à quatre mains puisqu’elles participent de cette magnifique émulation créative qui ravit encore les mélomanes. C’est en cela que le disque enregistré par Marie Vermeulin est tout à fait remarquable. Les oeuvres choisies pour composer le programme de ce disque « Clara et Robert Schumann » sont en effet une conversation entre les deux compositeurs.
Des inspirations croisées
Pour commencer, les Soirées musicales Opus 6 (1836) de la très jeune Clara. Ces pages sont connectées, d’une certaine façon, à Robert qui en empruntera certains thèmes pour ses Danses des compagnons de David.
Quand Robert publie à son tour le recueil des Scènes d’enfants, Clara lui écrit : « A qui as-tu dédié tes Kinderszenen ? Elles appartiennent seulement à nous deux et pas à d’autres » (21 mars 1839). Et pour cause, ces pièces furent, entre les deux artistes, un fil de conversation continu, un idéal d’album familial entre les deux amoureux séparés.
Viennent ensuite les Scènes de la forêt composées par Robert en 1848 et 1849. L’esthétique reste la même : des scènes nées de la rêverie. Le jeu d’évocations furtives et l’image poétique y sont constants. Bien sûr, les années ont passé depuis Les scènes d’enfants et le cadre est plus sombre. Mais 1849 est une année prodigieusement féconde pour Robert. En 1850, déjà, commence pour lui un inexorable voyage vers l’abîme.
L’abîme…Le disque se referme sur la Romance en la mineur de Clara composée en juin 1853 et dédiée à Robert, alors gravement malade et dépressif. Magnifiquement interprétée par Marie Vermeulin, cette pièce est une preuve d’amour presque secrète et un hommage à Robert. Une pièce tirée de leur vie privée et personnelle, pourrait-on écrire, puisqu’elle n’a jamais été publiée du vivant de Clara.
Dans l’intimité d’une maison d’artistes
Hommage à Clara et Robert Schumann, ce disque est une porte discrètement entrouverte dans l’intimité d’une maison d’artistes. Marie Vermeulin en est le guide délicat et sensible.
La postérité doit nous regarder comme un seul coeur et une seule âme.
Robert Schumann
