
15 avril 2019, la Cathédrale Notre-Dame de Paris est en flammes. Gautier Capuçon a rejoint la foule immense et médusée.
Pour elle et pour la Cathédrale, il entame au violoncelle une pièce de Gabriel Fauré « Après un rêve » : Une pièce écrite par le compositeur et organiste français mettant en musique un poème de Romain Bussine portant le même titre.
A la croisée des chemins et du temps
On se souvient d’images similaires. Mstislav Rostropovitch, le 9 novembre 1989, devant le mur de Berlin au fameux Check Point Charlie. Yo-Yo Ma au début du mois d’avril 2019, quelque part à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, le long d’un autre mur. Slava et Yo jouent à la croisée des chemins de migration et du temps qui impose ses révolutions. Artistes, ils accompagnent le monde de leur sensibilité et dépassent les questions de la nationalité ou des intérêts géopolitiques pour mieux les interroger.
En posant son violoncelle sur le pavé parisien, aux pieds chancelants d’un symbole de notre histoire, Gautier Capuçon, spontané et sincère, interroge lui-aussi.… Il interprète une oeuvre dont le titre pose la question à laquelle notre société tarde à répondre depuis des années : Et demain ? Que seront notre culture, notre littérature et notre musique dites « classiques » ?
Victor Hugo avait-il réellement tout prévu ?
Etonnement de tous sur les réseaux sociaux et dans les médias. Victor Hugo semble avoir tout prévu ! « Tous les yeux s’étaient levés vers le haut de l’église. Tout ce qu’ils voyaient était extraordinaire. Sur le sommet de la galerie la plus élevée, plus haut que la rosace centrale, il y avait une grande flamme qui montait entre les deux clochers avec des tourbillons d’étincelles, une grande flamme désordonnée et furieuse dont le vent emportait par moments un lambeau dans la fumée. »
Etonnement de tous ? Et pourtant…. Ce texte là n’a rien de prémonitoire. Il fait la simple démonstration de la dévotion d’un écrivain au culte de sa géniale imagination. L’esprit peut tout… Oui, l’esprit peut tout, pour autant qu’il ait été alimenté, à la fontaine des livres et de la musique. Qui pensait avant-hier soir relire Victor Hugo, qui cherchait à découvrir Gabriel Fauré ? Très peu d’entre nous.
Et demain ? Quelle sera notre relation à la littérature et à la musique classiques ?
La cathédrale qui brûle, ce roman historique et national qu’on récite comme une imploration à sortir d’un mauvais rêve, cette musique qu’on écoute comme d’autres feraient des prières, n’est-ce pas le mal-être profond de notre culture qui s’offre béant sous nos yeux ? Le réveil de la facilité à laquelle notre culture s’adonne depuis des décennies n’est-il pas douloureux ? En perdant leur cathédrale, les français se réveillent sous les mots effrayants de Victor Hugo et les notes pleines de regret de Gabriel Fauré.
Une seule question s’offre à nous tous : Et demain ?

Gang Flow remercie chaleureusement Mylène Natour, photographe à Paris.