Centre de Musique Baroque de Versailles : agitateur connecté

Le Centre de Musique Baroque de Versailles (CMBV), est un centre de ressources à l’ambition fièrement affichée dès la page d’accueil de son site internet : Faire rayonner la musique française des 17e et 18e siècles. 

Nous avons rencontré son directeur : Nicolas Bucher. Quelle rencontre ! Ce créatif souriant, futé et drôlement dynamique met en pratique chaque jour et sur chaque sujet une ambition forte. Celle de faire du Centre de Musique Baroque de Versailles un « agitateur », « l’endroit où la combustion se fait ». 


Quand nous étions jeunes et beaux, on jouait de la musique baroque française tout le temps

La France redécouvrait alors cette musique

Eh oui, le temps passe ! Le titre peut vous faire sourire, mais c’est là tout le charme de Nicolas. Une seule expression et tout est dit. Il y a 25 ans, la France redécouvrait la musique baroque française. On programmait cette musique partout et beaucoup.

Puis, la mode est passée. Nicolas Bucher le dit encore très simplement. Mais ses mots suffisent amplement « Quand j’étais étudiant au Conservatoire de Lyon, on jouait tout le temps de la musique baroque française. Quand, sept ans plus tard, j’y suis revenu en qualité de directeur des études, plus personne ne jouait cette musique.  Tout le monde jouait de la musique italienne ou allemande du 17e siècle. Je n’ai rien contre du tout, mais je fais le constat simplement. En somme, Schütz et Frescobaldi avaient remplacé Couperin, Lully et Rameau. »

Sur un ton naturel et tout à fait désarmant de philosophie, Nicolas Bucher évoque donc les années de vaches maigres pour la musique baroque française. « On ne lutte pas contre un cycle naturel, c’est tout à fait perdu d’avance. Toutefois, il y a deux ou trois ans, on a commencé à revoir à Vezelay des candidatures de jeunes ensembles proposant de la musique française. Je me suis donc dit qu’il y avait quelque chose susceptible de repartir. »


La nécessité d’accompagner un nouvel essor

« Quelque chose susceptible de repartir« . Là, nous retrouvons Nicolas dans son rôle de directeur avec « la nécessité d’accompagner ce nouvel essor et ce nouveau goût pour la musique française. » Le mot était donc prononcé : accompagner !

Derrière ce mot presque commun se cache une extraordinaire réalité : celle de la nécessaire et constante exploration du répertoire baroque. Continuer d’explorer le répertoire, les manières de le jouer, avec quels instruments. Autant de défis qui viennent s’accoler tout naturellement au terme « accompagner ». « Le constat était fait. On connaissait donc quel serait le défi à relever par le Centre de Musique Baroque de Versailles pour les dix ans à venir. » 


Le Centre de Musique Baroque de Versailles connecte la recherche et les artistes

De la recherche aux artistes

Centre de recherche, de formation et de diffusion, le Centre de musique Baroque de Versailles est irremplaçable. Cette alliance chez nous entre les différents pôles de la recherche, la formation, l’artistique et de l’accueil au sens large est unique. C’est là notre raison d’être et c’est donc cela que nous devons cultiver.  La force du Centre de Musique Baroque de Versailles, c’est avant tout sa capacité à se connecter au reste de la sphère.»  Reste de la sphère  ? Oui, les orchestres, les opéras, les programmateurs, les artistes…

Un exemple ? Celui de la musique des Soupers du Roy de Delalande. Un projet qui sera bientôt mis en oeuvre au Centre. « La musique pour les soupers du roi !!!! C’est complètement mythologique. Tout le monde a entendu parler de cette musique. Mais en fait, c’est quoi ? Eh bien, on a trois recueils écrit par Delalande en 1702, 1736 et 1745. C’est à peu près tout. Et encore ! On a deux voix de premiers violons, une basse continue… On a tout ce qui manque au milieu ! » 

Un rôle très concret

Il y aurait donc beaucoup d’autres questions en suspens autour des soupers du roi… « Oui ! Est-ce que ce sont des intermèdes dansés ou pas ? A quel moment précis jouait-on cette musique ? Qui la jouait ? Combien de temps est-ce que cela durait ? Une fois qu’on a posé toutes ces questions, il y là du travail pour trois ans. Finalement, on se rend compte qu’on sait à peu près ceci : il s’agit d’une musique qu’on jouait pendant le souper du roi. Donc on ne sait rien, ou presque ! » Nicolas éclate de rire. 

Centre de Musique Baroque de Versaille
Centre de Musique Baroque de Versailles

La conversation devient passionnante. Nicolas Bucher explicite plus avant le rôle ici tenu par le Centre de Musique Baroque de Versailles. « Va commencer le travail, c’est-à-dire à la fois se documenter et se demander comment on passe de la partition au concert. On ne va pas reconstituer le souper du roi car on ne fait pas un documentaire télévisuel. Chez nous, on part de la recherche (académique ou expérimentale) pour transmettre aux musiciens, aux spécialistes, aux chercheurs et au public des éléments qui permettent de s’interroger ou de s’intéresser à nouveau au répertoire pour le promouvoir. »

Promouvoir le répertoire baroque français ! Oui, mais comment ?

Editeur, sur papier, disque ou numérique, mais éditeur avant tout

Nicolas Bucher est un passionné. « En fait, je souffre d’une maladie fondamentale ! Je pense que cette musique est intéressante. Je pense qu’elle n’est jamais un prétexte et qu’elle doit rester la raison pour laquelle on la donne à entendre au public. »

Celui dont le métier est finalement de susciter la curiosité a bien des outils à sa disposition. Livre, numérique, disque… C’est la multiplication des médias, et aussi la multiplication des niveaux de langage qui permet, à chaque projet, de diffuser le plus largement possible cette musique française baroque.

Et qu’on n’affuble pas Nicolas du titre de Préfet d’une sorte de Police Baroque ! Il en rit de bon coeur, mais rien n’est plus faux. 

Nicolas Bucher pratique, en effet, son métier d’éditeur avec passion. Le Centre de Musique Baroque de Versailles, « édite des kilos de partitions . Non seulement on écrit là une page de l’édition musicale française mais en plus, si nous venions à disparaître, nos partitions resteraient quand même sur les rayons des plus grandes bibliothèques musicales du monde ! ». 


Bien sûr, le métier de l’édition, et plus encore celui de l’édition musicale, est en crise. « Oui, mais c’est un terrain d’expérimentation incroyable ! De nombreux outils arrivent. Passionnants, ils engendrent une véritable révolution du métier. » Enthousiaste, Nicolas Bucher annonce ainsi le lancement d’une première collection numérique en 2020, une collaboration avec Newzik pour le développement de l’édition de partitions critiques numériques. Un tantinet rieur, il glisse ensuite l’information selon laquelle quelques partitions seront, par la suite, disponibles en ligne et en accès libre. 

Prêter, louer, accueillir : Au Centre de Musique Baroque de Versailles, l’aide est matérielle

La partition est une très jolie synapse entre le chercheur et le musicien. Mais là n’est pas l’unique mission du centre. Les ressources mises à la disposition des orchestres, ensembles, artistes, metteurs en scène et chorégraphes sont, en effet, multiples.

Depuis la location à prix très raisonnable de salles de répétitions équipées de clavecins et d’orgues, en passant par les décors, les costumes, les instruments et la résidence. 

Des costumes et des décors

Côté costumes, un inventaire complet vient d’être terminé. Loués ou prêtés, les costumes « permettent d’habiller du monde scéniquement parlant ! ». Côté décors, la collection est également précieuse. « Notre collection de toiles peintes et refaites dans le style historique est le fruit du travail du fameux Antoine Fontaine. Ces décors fabuleux sont à la disposition de tout producteur de spectacle compétent. En fonction du projet, il y a location ou accord partenariat ». 

Des instruments

Et les instruments ? Le parc instrumental du centre, constitué par une reconstitution des 24 violons de Louis XIV, continue de grandir. Surtout, sa constitution permet de poser les questions et de renouveler les questionnements.

« Il n’est pas rare qu’un concert de musique française se fasse en 415 Hertz alors qu’il devrait être en 392 Hertz. Pourquoi ? Parce que tout simplement le hautbois utilisé n’est pas adéquat pour jouer en 392. Ici, on fait un compromis (de plus), on fait de l’historiquement informé qui est de l’historiquement désinformé. » Un exemple tout à fait parlant. Le Centre étoffe donc son parc instrumental et guide la pratique…

De la partition à l’instrument en passant par le décor et le costume. Tout est dit. Ou presque. Ce centre et son directeur n’en finissent pas de créer, à l’instar des résidences croisées et des partenariats en train d’être noués avec des festivals ou des salles comme le Théâtre des Champs-Elysées. 

Le Centre de Musique Baroque de Versailles agite la sphère musicale française pour l’accoucher d’une rigueur toujours plus grande. Agitateur hyper-connecté ? Finalement le Centre de Musique Baroque de Versailles est cela et plus encore. 


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