Les musiciens du Concert d’Astrée : l’élévation faite musique

Les musiciens du Concert d’Astrée, dirigés par Emmanuelle Haïm, ont offert au public de l’Opéra de Lille, le 16 novembre 2019, un moment rare d’élévation. Où trois chefs d’oeuvre du répertoire baroque religieux et français invitent à goûter l’exaltant dialogue des mots, de la musique et de la beauté.

Les mots religieux sublimés par la musique

Un soir de Novembre à l’Opéra de Lille. Novembre grisonnant que les mots du Psaume 125 ne pourraient faire frissonner davantage. In convertendo Dominus captivitatem Sion, facti sumus sicut consolati. « Lorsque le Seigneur mettra fin à la captivité de son peuple, nous serons comme ceux qui éprouvent les plus douces consolations, après avoir ressenti les plus vives douleurs ».

Ce soir-là, à Lille, Emmanuelle Haïm, ses musiciens et son choeur, proposent trois oeuvres majeures. Le répertoire est religieux, baroque et français. Jean-Philippe Rameau soutient de sa musique les mots du psaume 125 dans son motet In convertendo Dominus. Le motet In exitu Israel de Jean-Joseph Cassanéa de Mondoville s’attache au Psaume 113. Vient enfin André Campra et sa Messe de Requiem. La fameuse, la lumineuse, celle qui constitue l’une des plus belles pages du répertoire baroque français.

A l’intérieur de l’Opéra, l’atmosphère n’est plus à l’automne. Elle est aux mots qu’on chuchote, aux velours rouges qui étouffent et absorbent. Le public écoute. Dehors n’existe donc plus. Seule la grandeur reste.

La musique, les mots et la beauté

La beauté n’est pas le joli. Elle est encore moins le charmant. La beauté porte en elle une certaine force que les écrivains et les compositeurs de l’époque baroque ont visé comme idéal. Le beau doit émouvoir et saisir celui qui l’envisage. Il doit laisser l’être humain conscient de sa véritable nature de mortel aux prises avec l’éternel et le divin.

Rameau, Mondonville et Campra ont sublimé de leur musique les mots latins du sacré. Le programme ainsi choisi par Emmanuelle Haïm est fort et cohérent. Il invite, en effet, le spectateur moderne à vivre deux heures pleines et envoutantes. Point de contraste brutal entre les oeuvres mais une unité qui n’en laisse pas moins à chacun le loisir de goûter la diversité d’écriture et la personnalité des trois compositeurs.


C’est que dans ce programme, ce ne sont pas les mots qu’on met en musique. Ce ne sont pas non plus la musique qu’on fait parler au détour de quelques vers. C’est plutôt un idéal de beauté et de sublime qu’on recherche, en mettant à profit la puissance des mots alliés à l’ampleur de la musique. En cela, les musiciens et choristes du Concert d’Astrée dirigés par une Emmanuelle Haïm touchante de sobriété excellent. Ils ont donné, en cette soirée à l’Opéra de Lille, la possibilité au spectateur moderne, de vivre et de partager avec ces compositeurs du passé une vision de l’humanité tout à fait différente. A la lumière de l’infini, l’être humain reste humble. Au son du grand art, il s’élève. Comme ébloui par la beauté.

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Les photos de cette publication ont été prises le 16 novembre 2019 à l’Opéra de Lille. Crédit photo : Anne-Sandrine Di Girolamo.

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