Décembre 2017, Jean D’Ormesson décède. Sur sa table de travail, Héloise, sa fille, ouvre le manuscrit de son dernier livre tout juste terminé. Et ces derniers mots jetés sur le papier d’un trait appuyé : « Et la mort elle-même ne peut rien contre moi ». Il en est, artistes souvent, envers qui la mort n’a aucune confiance. Leur esprit provocateur ou joueur, leur génie ou leur talent, survivent à toutes les ingratitudes du temps qui passe. Parfois, ceux qui prennent la parole devant leur cercueil cèdent, en tremblant, aux règles d’un genre connu depuis l’Antiquité et magnifié par Bossuet. L’oraison funèbre… Parfois, les gens de lettres se plient aux règles de ce genre difficile. Périlleux exercice… mais oh combien réussi par Sylvain Fort quand il prête sa plume en hommage aux chanteurs et chanteuses, chef d’orchestres et gens de l’Opéra.
In Memoriam ou le miracle du dernier mot
In Memoriam. Un recueil d’éloges funèbres d’étoiles de la scène qu’on laisse laisse partir à regret. Comme si l’auteur cherchait à retenir encore le fil qui les reliait à la vie, à la sienne et à la nôtre. Quelques mots encore, avant l’infinitude de la séparation. In Memoriam est publié par les Editions Papiers Musique dans la collection Via Appia.
Il a donc le dernier mot et il s’avoue gêné. « Avoir le dernier mot, même de remerciement, est déjà presque gênant lorsqu’on vient saluer des artistes de cette envergure, tous engagés dans des répertoires différents, mais si semblables par leur quête. » Mélomane, Sylvain Fort réussit à peindre, à force de souvenirs, un portrait affectueux mais empli de justesse de seize figures illustres de l’art musical. Carlo Bergonzi, Franco Corelli, Régine Crespin, Daniela Dessi, Gabriel Dussurget, Montserrat Figueras, Nikolaus Harnoncourt … Immenses personnalités d’artistes que le lecteur vient à saluer, de la manière la plus incongrue mais lumineuse qui soit. C’est que ces éloges « funèbres » de Sylvain Fort sont fidèles en tous points à ce que sont les grands artistes. La mort elle-même ne peut rien contre eux… A celui qui se livre à l’écriture du dernier éloge d’en faire la démonstration.
Lisez donc In Memoriam sans frémir de ce funeste genre qu’est l’éloge funèbre. De grandes étoiles vous y sourient, grâce au talent d’un auteur qui comprend parfaitement ce que Jean D’Ormesson a écrit, au soir de sa propre vie. Car la mort elle-même ne peut rien contre eux.
L’auteur
Sylvain Fort, ancien normalien, est écrivain et essayiste. Auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels Herbert Von Karajan : Une autobiographie imaginaire (Actes Sud en 2016), Puccini (Actes Sud, 2010) ou encore Le Romantisme : Anthologie (Flammarion, 2002). Mais Sylvain Fort c’est aussi l’une des plumes averties de Forumopera.com dont il est devenu le rédacteur en chef en 2005 et le directeur de la publication en 2006.
Une beauté pour toujours. Tout passe, tout finit, tout disparaît. Et moi qui m’imaginais devoir vivre toujours, qu’est-ce que je deviens ? Il n’est pas impossible… Mais que je sois passé sur et dans ce monde, où vous avez vécu, est une vérité et une beauté pour toujours et la mort elle-même ne peut rien contre moi.
Jean D’Ormesson. Décembre 2017.