
1893. Dvorak, Puccini, Debussy. Une année, trois personnages. Trois cultures musicales qui dialoguent en ce disque du Quatuor Varèse disponible depuis le 8 novembre 2019 au label NomadMusic.
Au jeu subtil des cultures musicales qu’il fait dialoguer de façon imaginaire, ce Quatuor Varèse charme et séduit de son sens pointu de la musicalité.
1893 : De la vieille Europe au Nouveau Monde
L’année 1893 est une année comme les autres. A ceci près que se tient à Chicago, entre le 1er mai et le 30 octobre, l’Exposition Universelle. Une Exposition Universelle qu’on baptise officiellement la World’s Columbian Exposition et qui célèbre le 400e anniversaire de l’arrivée de Christophe Colomb aux Amériques.
Et puisque les hasards en histoire ont toujours été plus savoureux que la réalité qu’on aurait tenté de construire, cette exposition de Chicago de 1893 s’est tenue quatre ans après l’Exposition Universelle de Paris. Voilà donc qu’une immense Roue de 80 mètres de haut se veut plus rutilante que la Tour Eiffel. Voilà aussi que le Nouveau Monde se dresse face à l’ancienne Europe. Avec sa Roue, et la musique, renouvelée, qu’il suscite.
Depuis New York, Paris et Turin
1893 donc. A l’été, Antonin Dvorak compose son Quatuor n°12. Débarqué un an plus tôt à New York pour en diriger le Conservatoire national de musique, le compositeur tchèque s’inspire des terres nouvelles sur lesquelles il vient de s’installer pour instiller en sa musique un renouveau qu’il marie subtilement à sa propre culture musicale forgée dans la vieille Europe de l’Est.
A Paris, le 28 décembre 1893, l’unique quatuor de Claude Debussy est créé. Le Quatuor en sol mineur, L.85 opus 10 est peut-être né de l’autre côté du Nouveau Monde. Il est peut-être aussi construit selon un cadre traditionnel en quatre mouvements, mais il est nouveau lui-aussi. Debussy explore en ses partitions, en effet, des territoires jusqu’alors peu fréquentés.
Ancien Monde encore. Et plus encore, monde opératique ! Tellement opératique que Puccini ressent la nécessité de clamer la légitimité des musiciens italiens dans le domaine instrumental. Le voilà qui, en 1893 au Teatro Regio de Turin, reprend dans Manon Lescaut, son merveilleux Quatuor Chysanthèmes, composé trois années plus tôt.
1893. New York, Paris, Turin. Trois quatuors. L’histoire nous plait. Et la musique ?

1893 ou le choc de cultures qui se croisent
A lire ce titre : « Dvorak, Puccini, Debussy – 1893 », on pourrait penser que le Quatuor Varèse a tenté de redonner le son d’une époque. C’est là se fourvoyer. Thomas Ravez, violoncelle développe. « Je ne crois pas qu’il y ait un son en particulier pour une époque. La musique de Debussy est assez impressionniste dans les couleurs alors que Dvorak, même s’il s’agit du quatuor américain, est empreint de la culture slave, avec un son beaucoup plus timbré. S’il est vrai que ces quatuors ont été composés la même année, ils sont très différents. » L’intérêt de ce disque résidait ailleurs. « Oui, l’intérêt résidait vraiment dans ce choc des cultures et ces trois personnages qui n’ont rien à voir entre eux mais qui ont composé à la même époque. »


1893 : la musicalité enchanteresse du Quatuor Varèse
L’intérêt aussi est de découvrir le sens immense de la musicalité du Quatuor Varèse. Dès les premières notes, l’auditeur s’enchante et sent le sourire monter en lui. La preuve du talent, le résultat du travail aussi et de la volonté tenace de s’approprier les oeuvres.
« Ce disque nous ressemble parce que nous avons énormément travaillé. La musique est un travail perpétuel. Il y a des oeuvres qu’on joue depuis plus ou moins longtemps, des oeuvres avec lesquelles on entretient des affinités dès le départ et des oeuvres pour lesquelles le travail d’appropriation est plus long. Le Quatuor de Debussy, nous le jouons depuis très longtemps. Nous avons donc pu y ajouter quelque chose de très personnel. En cela, cette oeuvre nous ressemble désormais. Le quatuor américain, malgré des affinités moins grandes au départ, nous l’avons tellement travaillé, nous avons réussi, à mon sens, à nous l’approprier aussi. Et donc il nous ressemble désormais également.«
1893 est un disque qu’on aime assurément. Le Quatuor Varèse a su développer une identité sonore riche et personnelle. Il sait aussi travailler le répertoire en le questionnant. Il marie enfin les affinités pour mieux les différencier. Un grand Quatuor dont on espère très vite un nouvel opus.
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