Dans le coeur de Jacques Offenbach où rien n’est si simple

Jacques Offenbach, l’amuseur du Second Empire. Le « petit Mozart des Champs-Elysées » écrivait encore Rossini. Des étiquettes qui valent ce qu’elles affichent. Tout, parce que vraies et efficaces. Rien, parce que partiels instantanés. Reste celle-ci : Offenbach, le « Liszt du violoncelle« . Allons ! Rien, pas même un surnom élogieux ou sympathique ne vaudra une heure d’écoute attentive. Car ces six duos pour deux violoncelles enregistrés par Anne Gastinel et Xavier Phillips permettent de se rapprocher de Monsieur Jacques Offenbach. Le privilège est là.


Le privilège de l’interprète… Essayer de se rapprocher un peu de ce qui est au coeur de la personne.

Anne Gastinel, décembre 2019.

Jacques Offenbach, au coeur

On connait Offenbach, sa joyeuse légèreté et le rire que le seul prononcé de son nom réussit encore à susciter. Offenbach divertit, amuse, croque et caricature comme peu durant le second empire. Jacques Offenbach maintenant… Musicien qu’on écoute avec admiration, virtuose des salons parisiens. Des salons qui furent sa première véritable scène avant de devenir l’une de ses sources d’inspiration. Voilà déjà que les surnoms ne suffisent plus. C’est que l’homme est complexe. Il est en fait un personnage beaucoup plus qu’une personnalité.

Anne Gastinel évoque son travail d’interprète. « En tant que musicien, il est toujours très intéressant d’aller un peu plus au coeur. Pas forcément ou seulement grâce à la lecture d’une biographie ou d’informations qu’on glane ici et là, mais simplement, tout simplement au travers des pages de musique. L’interprète doit essayer de se rapprocher de l’homme. Il cherche l’intime et l’humain. Car ces gens-là, ces compositeurs tellement célèbres et connus, bénéficient d’une aura qui dépasse l’humain. Mais en même temps, ces gens-là sont des gens comme vous et moi et je trouve qu’au travers du travail d’une partition, le privilège d’un interprète c’est d’essayer de se rapprocher un peu de ce qui est au coeur de la personne. »

En enregistrant six duos pour deux violoncelles de Jacques Offenbach, Anne Gastinel et Xavier Phillips ajoutent donc quelques nuances au portrait souvent joliment et prestement dressé du compositeur. Si ces pages musicales n’ont rien de larmoyant, « certains mouvements lents sont assez mélancoliques et tristes pour nous faire découvrir un aspect supplémentaire de sa personnalité. » Rapprochons nous donc de l’homme. Car celui qui a écrit ces duos est un talentueux mélodiste. Sous sa plume, des notes tendres, sombres et parfois pudiques. Sous celle d’un autre, les mots seraient ceux d’un poète.

Jacques Offenbach : Une écriture du partage

Le disque enregistré par Anne Gastinel et Xavier Phillips invite à rencontrer Monsieur Offenbach. Et le virtuose ! Offenbach exploite, en effet, à la perfection les possibilités du violoncelle. L’écriture de ces duos en est témoin. Car le compositeur, en ces pièces à l’écriture très particulière, est novateur et presque espiègle avec son interprète.

Jacques Offenbach

Novateur… Comme l’écrit Xavier Phillips, « on n’a pas pas affaire à un schéma classique soliste/accompagnateur mais à un incessant  » A toi, à moi. » La démarche d’écriture du compositeur est celle d’un vrai partage où chacun est important. Ecriture servie par un savoureux couple musical. Nos deux interprètes, en 1990, se partagent un troisième prix ex-aequo au Concours Rostropovitch. Ils entretiennent désormais des liens emplis de respect et d’affection. Pour leur premier enregistrement en commun, ce choix de duos « A toi, à moi » est donc un bel exemple d’émulation positive entre artistes.

Espiègle… car le niveau de difficulté de ces duos est « diabolique ». Anne Gastinel explicite. « Très concrètement, on doit effectuer de très grands sauts sur l’instrument. Ce que Xavier appelle des « cabrioles » ! On saute littéralement sur la touche pour être pratiquement instantanément très en bas de l’instrument et très en haut. On parcourt, si ce ne sont des kilomètres, des mètres sur l’instrument. Et puis, beaucoup de passages sont très rapides et très véloces. Ils nous obligent à être à l’affut. Donc il y a un côté équilibriste et un peu sportif sur le violoncelle. » La violoncelliste rit. Laissant à Offenbach encore ce privilège. Celui de toucher celui qui écoute ces duos pour deux violoncelles et de faire rire celui qui les interprète.

Rien n’est donc si simple chez Monsieur Offenbach. Et ce disque une belle rencontre avec l’autre face du grand farceur.


Quelques extraits

Photographies de cette publication : William Beaucardet

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