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Voeux 2020 : A ceux qui s’inventeront un chemin

Pour s’inventer un chemin en 2020

Il y a quelques mois, les interviews, nombreuses, se suivaient. Toutes passionnantes. La musique est souvent une histoire qui se lit presque aussi bien qu’elle s’écoute. Nous allions donc de conversation en conversation. Un jour baroque, un jour classique. Mais toujours savantes et captivantes. Et c’était trop. Trop d’histoires.

Jusqu’à un jour de juin. L’échange était ouvert, simple et presque brutal de vérité. A l’artiste qui s’est inventé un chemin pour retrouver le bonheur d’être sur scène, nous dédions donc ces quelques lignes de début d’année pour la remercier. Aux lecteurs qui liront, peut-être à n’en plus avoir faim, des lignes et des lignes de voeux pour 2020, nous proposons une rencontre avec elle. Vanessa Wagner. En guise de bons voeux donc, un regard en guise d’hommage à ceux qui trouvent un jour le sens et le chemin de leur vie professionnelle et personnelle. Et qui racontent, simplement.

Tracer son chemin

Les mots frappent. Elle est musicienne et s’avoue « un passif de pianiste purement classique » sans même jouer d’un chuchotement ou d’un murmure. D’ailleurs, quelques minutes plus tôt, Vanessa Wagner avait dit très simplement les choses encore. « Je n’ai pas toujours été très heureuse dans ma vie de musicienne. Mais depuis quelques années, j’ai retrouvé le bonheur à faire ce métier. »

Nous aurions pu essayer de savoir ce qui l’a rendue si malheureuse dans son métier de musicienne. Mais elle le dit aussi simplement que le reste. Le « rapport conflictuel à la scène », le « sentiment de ne pas toujours se sentir à l’aise dans un milieu assez cadenassé » comme celui de la musique classique. Autant d’inconforts qui la conduisent alors à trouver sa propre liberté et son propre chemin, pour enfin retrouver le sourire au travail. Interprète du grand répertoire à la discographie très large, elle a, en effet, abordé le répertoire minimaliste. Décloisonner les répertoires traditionnel et minimaliste sous ses doigts et oser défendre les deux, c’est donc une chance qu’elle s’est donnée.

Le sens d’une carrière

A réécouter Vanessa Wagner, la surprise est grande. C’est vrai ! Au lieu de la conduire à nous raconter les choses négatives, nous l’invitons à dire ce qui la rend heureuse désormais.

« Ce qui me rend la plus heureuse, c’est de réussir à inventer et à être maître du navire. J’explique souvent qu’une carrière, à mon sens, n’est pas obligatoirement et uniquement une succession de concerts plus ou moins réussis, plus ou moins talentueux, avec plus ou moins d’échecs. Un carrière, c’est aussi un chemin de vie qui dure longtemps, car quand cela se passe bien, c’est une vie entière. Il faut donc réussir à inventer son propre chemin et ne pas suivre celui qui est déjà tracé par d’autres et par des contingences comme sortir du conservatoire, passer des concours internationaux, jouer dans telle salle ou tel concerto. Voilà ! C’est ce genre de passage obligé dans lequel je ne me sentais pas totalement à ma place. »

Ne pas se sentir à sa place… Qu’on ne se trompe pas. Vanessa Wagner parle ici de liberté et de langage d’expression. Pas de légitimité. Saluée, entre autres, par l’octroi de la légion d’honneur pour sa carrière et son rôle de directrice du Festival de Chambord, Vanessa Wagner s’est frayé le chemin qui lui convenait dans le milieu de la musique et au sein de répertoires différents mais en accord avec son tempérament de femme et d’artiste.

Monter sur scène n’est pas anodin

J’aime toute cette part de mystère, de grâce et d’imprévu qu’il peut y avoir dans un concert.

Vanessa Wagner.

Musicien, ce n’est pas un métier facile. Encore faudrait-il savoir s’il en existe vraiment, des métiers faciles. Dans tous les cas, ce métier-là est fascinant par la distorsion même qu’il impose à chaque artiste. Entre ce que l’artiste laisse voir aux autres et qui il est devenu (à cause de la scène), ou qui il espère devenir (grâce à elle).

« Aujourd’hui, on aime montrer des artistes forts, qui n’ont jamais peur, ne se posent pas beaucoup de questions. Ils sont très jeunes, très beaux. C’est tout un monde dans lequel je n’étais pas à ma place. Au fond, c’est presque tabou. Il faut se montrer très puissant, mais le métier, ce n’est pas seulement cela. J’ai été bercée par Clara Haskil et Richter qui étaient des artistes torturés pour qui monter sur scène, c’était loin d’être anodin. »

Comment alors monter sur scène et pour y délivrer quel message ? « Ce qui est beau chez un artiste qu’on voit en scène, c’est sa capacité à laisser place à quelque chose qui ne soit pas bétonné d’avance, avec des jeux qui sont identiques à ceux du disque et qui sont les mêmes à chaque concert. J’aime toute cette part de mystère, de grâce et d’imprévu qu’il peut y avoir dans un concert. »

Une part de mystère et de grâce qu’on découvre en écoutant l’artiste au fil des projets qu’elle propose depuis plusieurs années à son public. Ici un concert de nuit sous une lumière bleutée, là un concert où elle partage la scène avec le public, ou même là un tournage (nocturne toujours) au château de Chambord. La musique qu’elle défend désormais aussi n’est ni gaie ni virtuose mais celle du rêve et de la nuit. Cette musique d’un « monde immobile qui répond à un état intérieur » comme elle le dit si élégamment. Celle qu’elle porte dans son dernier disque « Inland », publié chez un label « non classique », et qui fait d’elle une artiste libre et épanouie.

Inland : le voyage d’une artiste libre et épanouie

Vanessa Wagner se nourrit d’une musique lunaire. Et minimaliste. Inland, son opus paru au label Infiné est une sorte de manifeste. A ceux qui considèrent que la musique minimaliste ne doit pas être considérée comme une musique sérieuse, l’artiste répond que cette musique du rêve et de la nuit l’attire et la séduit. Et que c’est « un pas de côté » qu’elle n’aurait jamais pu se permettre de faire à l’âge de vingt ans mais qui, voilà… la rend très heureuse.


En début d’année, chacun porte ses voeux, bons et meilleurs, à la terre entière ou presque. Chacun aussi tourne furtivement la tête avant de dire au revoir à l’année qui s’achève. Puis s’interroge sur le pas en avant que symbolise une nouvelle année.

Nous avons choisi de partager avec vous cet échange simple et ouvert avec Vanessa Wagner car il nous a semblé porter en lui assez de force pour encourager ceux qui espèrent emprunter un chemin nouveau ou différent en 2020.

Alors ? Faire ce pas de côté qui vous (nous) rendrait heureux ?

Ecouter l’album Inland



Les photos de cette publication ont été prises par Clara Diebler.


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