Sélim Mazari : une marinière et un talent fou en ces Variations

Anne-Sandrine DI GIROLAMO

il y a 4 ans

Sélim Mazari est jeune, talentueux et stylé. Dans son élocution et sa propension à porter la marinière en interview ou en tournage. Et puis le toucher de son jeu pianistique ! Doux et personnel. Le style toujours… dans sa manière d’aborder le répertoire de Beethoven à travers le genre de la variation. Quatre cycles de Variations pour un premier et remarquable disque disponible chez Mirare depuis le 17 janvier 2020.

La Variation ou modèle d’écriture et principe de composition

La Variation est un « travail de modification d’une forme générale » selon l’expression du professeur de littératures anciennes Pierre Laurens. (In L’abeille dans l’ambre). Bien sûr, le littéraire s’adresse alors aux lecteurs de littérature gréco-latine. Mais rien n’est étanche, et de la littérature à la musique… Ainsi la variatio, procédé d’écriture séculaire, trouve sa raison d’être profonde dans l’expression par le poète d’une vision du monde la plus riche possible. Rien n’est unique, tout se multiplie, tout se transforme et se métamorphose.

En musique, la technique de la variation « repose sur deux procédés : la transformation d’un matériel donné et l’adjonction d’éléments nouveaux à ce matériel. La transformation peut se faire par ->ornementation, ->diminution, ->figuration, ->coloration, ou au contraire, par décoloration ou simplication, par tranformation rythmique, changement modal ou tonal, etc. L’adjonction la plus courante est l’habillage polyphonique ou harmonique qui revêt le thème mélodique et qui peut lui-même subir des transformations. La simultanéité de ces deux procédés n’est pas exclue. » (Marc Honegger, Dictionnaire du musicien).

Si la définition est plus technique, on en rappelle toutefois la question sous-jacente et première. L’art de la variation est, pour le poète ou le compositeur, une manière de rivaliser avec lui-même en travaillant la matière. Mais la raison ultime et profonde réside davantage dans la recherche d’un modèle plutôt que d’un objet. Au travers de la forme brève qui se réinvente à l’infini ou presque, l’artiste démontre la multiplicité infinie de la définition du monde.

Sélim Mazari tout aux variations

L’histoire de la variation est donc longue. Aussi longue en littérature qu’en musique. Des compositeurs comme Bach, Haendel et bien d’autres ont brillé. Avant qu’un autre génie de la musique ne s’empare du genre et laisse plus de vingt cycles de variations. Beethoven et ses variations, célébré par Sélim Mazari, révélation soliste des victoires de la musique classique en 2018.

Ce premier disque de notre jeune pianiste présente quatre cycles des variations de Beethoven, dont le redouté et redoutable cycle des variations dites Eroica. La démarche est rare et doit être notée. Elle n’est toutefois pas aussi intéressante que la capacité de ce jeune talent à donner à chaque note sa profondeur. A chaque accord sa tension et à chaque couleur sa gradation.

Au programme de ce disque officiel de la Folle Journée de Nantes 2020 :

32 Variations en do mineur WoO 80
Variations sur le ballet Das Waldmädchen WoO 71
15 variations et fugue opus 35 sur un thème du ballet Les Créatures de Prométhée, Variations Eroica
Variations en fa majeur opus 34

Sélim Mazari est lauréat du Concours international d’Ile de France, de Piano Campus 2013, du Concours international de Collioure. Il est aussi récompensé par la Société des Arts de Genève. Chambriste apprécié, il collabore avec Yo-Yo Ma, Henri Demarquette, Victor Julien-Lafferrière, Raphaëlle Moreau, Olivier Charlier, les flûtistes Juliette Hurel et Joséphine Olech avec qui il a enregistré les disque Souvenirs de Hongrie (Collection 1001 Notes), le Quatuor Hermès et Michel Dalberto. Prix de la Fondation SAFRAN pour la Musique (2014), il est aussi révélation ADAMI (2012).