
The Sound of Trees… Double concerto pour clarinette, violoncelle et orchestre qui a valu à Camille Pépin, une Victoire en tant que compositrice de l’année 2020. Créée par l’Orchestre de Picardie sous la direction d’Arie Van Beek, cette pièce absolument sublime est le fruit d’un travail collaboratif très intéressant entre la compositrice et les solistes Julien Hervé (clarinette) et Yan Levionnois (violoncelle).
The Sound of Trees : histoire d’un double concerto très réussi
Reprenons l’histoire au début. Voici donc la genèse de The Sound of Trees, racontée par Camille Pépin, sa compositrice. « L’Orchestre de Picardie m’a commandé un concerto pour violoncelle et clarinette. Pierre Brouchoud, son directeur général, connaissait bien ma musique. Il avait remarqué que je mêle souvent le violoncelle et la clarinette dans mes oeuvres de musique de chambre. En effet, plus je mélange des instruments qui ne vont pas ensemble a priori, plus je suis heureuse« . (Elle se met à rire). Un double concerto ? « J’étais heureuse de faire un double concerto et pas un concerto simple. Car plus il y a de couleurs possibles et de timbres différents, plus je suis satisfaite. » La force de Camille Pépin réside, en effet, dans son travail remarquable sur les couleurs de l’orchestre.
Des sonorités boisées au bruissement des feuilles

En réfléchissant aux sonorités boisées du violoncelle et de la clarinette, Camille Pépin a alors songé au poème de Robert Frost, The Sound of Trees.
Sans essayer de décrire le poème, elle avait « envie de quelque chose d’ancré dans le sol. Cet ancrage dans le sol, c’est vraiment le début de la pièce. Je ne voulais pas quelque chose de « classique ». Dans un concerto classique, le thème serait apparu une première fois à la clarinette, puis une seconde fois au violoncelle. Et enfin repris par l’orchestre. Cela résonne ainsi dans un concerto classique. Toutefois, je voulais que les choses partent du sol. J’ai donc j’ai commencé par écrire comme un tapis qui grouille. C’est l’orchestre qui a le thème. On entend le violoncelle et la clarinette mais on ne sait pas très bien ce qu’ils font. J’ai d’ailleurs écrit dans la partition qu’il fallait ce que cela soit fondu dans l’orchestre pour donner l’impression d’un tapis qui grouille de vent. »
Le bruissement des feuilles, le bavardage incessant des arbres, condamnés à ne jamais pouvoir s’enfuir, vous y penserez sans doute en écoutant la création de Camille Pépin. Mais le pouvoir fortement onirique de cette pièce tient aussi à un méticuleux travail de plusieurs mois sur les sonorités, la cadence extraordinaire difficile ou encore les effets percussifs.
Un compositeur et deux solistes pour un travail de création à trois
En échangeant avec Camille Pépin ainsi que les deux solistes Julien Hervé (clarinette) et Yan Levionnois (violoncelle), c’est une véritable histoire de travail collaboratif entre la compositrice et les musiciens que nous avons eu le plaisir de découvrir. Lorsqu’on demande à Camille Pépin quel est l’aspect de son travail de compositrice qu’elle préfère, elle répond vite et presque instinctivement. « Ce qui me plait le plus, c’est le travail avec les interprètes. C’est le moment où on cherche ensemble. Je suis toujours heureuse de terminer un premier jet de la partition parce que je sais que c’est à partir de là que je vais pouvoir la montrer aux interprètes et ensuite échanger pour trouver des choses ensemble.«
Ecrire la partition, c’est 70% du travail. Les 30% restants, ce sont les interprètes qui le font. C’est cela que je trouve génial. Nous faisons de la musique vivante.
Camille Pépin



« Jusqu’à ce qu’on ne puisse plus distinguer qui joue quoi »
Entre le premier jet de la partition et le moment de l’enregistrement puis de la création de la pièce, six mois se sont écoulés. Le premier jet de la partition n’est que le début d’un travail collaboratif éminemment positif. Les solistes ont d’abord répondu aux questions techniques de la compositrice puis ils se sont rencontrés. « Le but, dit Camille Pépin, c’était de chercher ensemble une couleur particulière pour chaque épisode. Nous avons ainsi travaillé les modes de jeux. Le violoncelle doit-il, par exemple, jouer près du chevalet, ou imiter des sons flûtés ? Pour la clarinette, je demandais à Julien Hervé de faire un peu comme le ferait une flûte ou alors de se rapprocher le plus possible du son du violoncelle. Je voulais vraiment que les deux cherchent à se mêler ensemble. Au point qu’on ne puisse plus distinguer qui joue quoi.«
Le mariage des tessitures au fondement d’un état d’esprit collaboratif
Julien Hervé, la clarinette, évoque d’ailleurs l’habileté avec laquelle Camille Pépin a utilisé les tessitures du violoncelle, de la clarinette et de la clarinette basse. « Ce qui m’a frappé, c’est l’aisance avec laquelle Camille écrit pour l’orchestre, avec une virtuosité et une fluidité dont seuls les grands sont capables. A son âge, c’est édifiant ! »
Yan Levionnois évoque de son côté le travail de recherche. Il fallait que chaque instrument trouve sa place dans une texture commune. « La pièce est caractérisée par un langage rythmique toujours changeant avec beaucoup de mesures irrégulières qui créent, comme chez Stravinsky, un sentiment de danse quasi improvisée et surtout très libre. Par ailleurs, l’orchestration ne ressemble pas à celle de nombreux concertos où les instruments solistes sont sur le devant de la scène, accompagnés par l’orchestre. A la place, on a une texture commune qui évolue au fur et à mesure de l’oeuvre. »
Ajoutons que le travail entre les solistes a été celui de la recherche d’un « terrain d’entente par rapport aux intentions musicales » de chacun. Ces mots qui appartiennent à Yan Levionnois sont importants. Ils s’ajoutent à ceux de Julien Hervé. « J’ai écouté avec attention la musique de Camille et suis immédiatement tombé sous le charme de son univers« . Ils rejoignent enfin ceux de Camille Pépin. Des mots qui laissent penser que la jeune musique contemporaine a un bel avenir et beaucoup de choses à dire. « Cette pièce est un travail de création à trois. Cette Victoire 2020, je l’ai reçue parce qu’il fallait bien un nom. Je l’interprète plutôt comme étant attribuée à la création de l’année. Et la création est le fruit du travail de tous : le compositeur, le chef d’orchestre, les solistes, l’orchestre. »
Le fruit d’un travail de tous. Très belle musique contemporaine, vivante et soudée.

Découvrez ici le disque de Camille Pépin chez NoMad : Chamber Music
Pour lire le poème de Robert Frost, The Sound of Trees, cliquez ici : https://www.poetryfoundation.org/poems/53088/the-sound-of-trees
Crédits photographiques : Camille Pépin est photographiée par Natacha Colmez-Collard.
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