
L’Automne avec Brahms… Voici un ouvrage qui ne ressemble ni complètement à une biographie, ni aux mémoires d’un mélomane. C’est une entrevue avec le compositeur. Ecrit par le journaliste Olivier Bellamy, il mêle rigueur historique et élégance infinie de la déclaration d’amour longtemps imaginée. Comme des variations autour d’un thème, il peint avec talent le diffus naturel de la vie de l’un des compositeurs les plus discrets de son époque.
L’Automne avec Brahms ou les variations de la vie d’un artiste
Olivier Bellamy a animé une émission quotidienne sur Radio Classique. Il est également l’auteur de plusieurs ouvrages tels que Martha Argerich, l’enfant et les sortilèges, ou Un hiver avec Schubert (Buchet/Chastel). Son ouvrage Dictionnaire amoureux du piano (Plon) a reçu en 2015 le Prix Pelléas.
Son dernier ouvrage, L’Automne avec Brahms, est un travail minutieux d’écriture. D’une plume légère et élégante, il convie à l’une des plus belles rencontres, pourtant chimérique, qu’il soit possible de faire. Quarante cinq textes (et non pas chapitres) pour partager les instants de vie d’un génie à la barbe presque aussi légendaire que certaines de ses oeuvres happées par le cinéma.
Brahms, comme en famille
Bien sûr, l’histoire familiale est relatée. L’enfant Brahms, précoce, invente un solfège à l’âge de cinq ans. L’adolescent joue avec son père dans les tavernes la nuit et nourrit son talent de musicien en s’instruisant le jour. Bien sûr aussi, la rencontre avec les Schumann. Robert et Clara. Ces choses là, tout le monde les connait ou presque.
Sous la plume d’Olivier Bellamy, l’histoire devient aussi familière que celle de l’ancêtre illustre qu’on raconte à l’envie aux petits. Voici qu’en une vingtaine de pages, les premières, l’auteur parvient à flouter les barrières temporelles. Brahms est familier et on se prend à l’aimer. Au point de toujours tout lui pardonner, puisque désormais, on le comprend. Pour exemple, ce passage sur l’humour du compositeur : « On a beaucoup dit que Brahms était d’un tempérament gaffeur. Son biographe Claude Rostand se désespère de ses « maladresses » et s’en excuserait presque auprès de ses lecteurs. Notre cher ours mal léché pratique en fait une forme d’ironie qui oscillait entre litote, euphémisme et fausse balourdise. Ainsi ce qu’on pourrait prendre pour de la modestie excessive est bien souvent la coquetterie amusée d’un esprit supérieur… ».
Le diffus naturel d’une vie

Olivier Bellamy vit Brahms. Le lecteur se prendra au jeu, c’est certain. Et il terminera sans doute sa lecture avec l’étrange sentiment d’avoir vécu un peu aux côtés du compositeur. Car ce livre assemble tous les petits riens d’une vie. Brahms n’est pas avare, il est plutôt bon ami, trop franc mais rarement médisant. Célibataire endurci, il joue la carte de la misogynie et fréquente les prostituées. Et l’ombre de Clara Schumann, l’amour tutélaire et impossible…
L’homme et la musique aussi. La musique populaire que Brahms sert si bien en mettant en valeur son répertoire. La musique sérieuse qu’il perpétue (Bach et Beethoven) puis prolonge. Surtout, il n’est pas une seule partition que le lecteur n’ait envie d’entendre jouée après avoir lu les mots d’Olivier Bellamy. Jusqu’à se demander quel était cet enregistrement rare écouté en cachette, à l’écart d’une soirée bien arrosée. « Nous étions plongés dans la contemplation émue d’un passage particulièrement beau quand la porte s’ouvrit brusquement. Le visiteur importun tendit alors vers nous un doigt plein de reproche : « Vous écoutez du Brahms en cachette ! »
Les portes de la maison Brahms
La plume d’Olivier Bellamy est une invitation à l’un de ces rendez-vous qui change votre manière d’envisager un personnage et un répertoire. C’est que l’auteur, bien davantage qu’un historien ou un journaliste, relie les époques avec ces centaines d’anecdotes qui n’en sont pas réellement. Brahms et Martha Argerich ? Une relation contrariée. Pas comme celle, sereine et forte, que l’auteur entretient depuis toujours ou presque avec le compositeur. « Après Un hiver avec Schubert, j’avais prévu de m’attaquer à Chopin. Mais le divin Polonais a pour un temps repoussé mes avances. Brahms s’est alors imposé à moi comme un amour de jeunesse qui revient frapper à la porte. Il est sage de nous plier à ce que la vie nous dicte », écrit-il, avant de regretter que Brahms soit encore mal compris.
Brahms encore mal compris ? Ce livre-là fera assurément pour le compositeur et sa musique bien davantage que beaucoup d’ouvrages, de commentaires et même de concerts. Car Olivier Bellamy vit Brahms et sa musique, aussi intensément qu’une histoire de famille et d’amour réunies. Et le lecteur de lui jalouser cette intimité avec l’étoile de Brahms. Tout en le remerciant de lui avoir ouvert les portes de la maison.
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