
Tanguy de Williencourt publie chez Mirare une intégrale des Bagatelles de Beethoven. Fabuleuses Bagatelles, rarement enregistrées mais surtout, superbement mises à l’honneur par ce pianiste distingué et raffiné. Ce faisant, l’artiste dévoile un univers beethovénien tout en nuances. La vie d’un immense créateur, souvent décrit comme en démiurge, mais tracée en suivant le calque de ces compositions en apparence plus simples et souvent courtes. Ces Bagatelles par Tanguy de Williencourt sont le témoin de ce que les artistes seuls ont la capacité de redonner à chaque oeuvre, connue ou moins connue, sa juste valeur.
Un Beethoven plein de charme
Ecouter les Bagatelles de Beethoven, c’est regarder le portrait du compositeur et se rendre compte que derrière le masque du tragique et du pathétique, se cache un homme tendre et poétique qui ne refuse ni l’humour ni la facétie. Pour Tanguy de Williencourt, les visages de Beethoven sont, en effet, multiples en ces oeuvres. « Dans les Bagatelles, on rencontre un Beethoven plein de charme, capable de beaucoup de tendresse, de poésie et d’humour. On y retrouve un peu tous les visages de Beethoven. Certaines Bagatelles sont en mode mineur, ce qui est tout à fait dans l’esprit du Beethoven que nous connaissons, mais il y a aussi bien d’autres choses. En particulier, on peut découvrir aussi toutes les facettes de son écriture puisque beaucoup des procédés d’écriture qu’il utilise dans ses Bagatelles seront réutilisés dans les Sonates. »
Quant à l’humour ? Le pianiste nous en explicite les procédés. « La septième Bagatelle de l’opus 33, par exemple, est un presto qui va à toute allure. Il y a là une évidente malice. Pensons aussi à la cinquième Bagatelle de l’opus 33, remplie d’arpèges et de guirlandes de notes très drôles. Puis, à un moment, à la toute fin de cette bagatelle, le temps s’arrête. D’un coup, on s’arrête de jouer et on répète dix fois les deux mêmes notes comme si le disque était rayé. Cela a toujours son petit effet en concert. Le public se demande toujours si le pianiste a eu un trou de mémoire ou si cela fait vraiment partie de la partition. »
De fabuleuses Bagatelles
Les Trente-deux Bagatelles de cet enregistrement par Tanguy de Williencourt « constituent le témoin discret d’une vie entièrement consacrée à la recherche d’un engagement musical puissant. » Les Sept Bagatelles de l’opus 33, très directement inscrites dans la lignée de Mozart et Haydn, sont légères et pleines de jeunesse dans l’esprit. Mais leur style porte déjà bien des traits qui ne feront que s’amplifier. Le temps passe et l’écriture sera toujours plus moderne, parfois expérimentale comme dans certaines Bagatelles de l’opus 119. Quant aux Bagatelles de l’opus 126, contemporaines de la Neuvième Symphonie et de la Missa solemnis, elles étaient, sous la plume de Beethoven lui-même, « sans doute les meilleures que j’ai écrites dans ce genre… »

Les Bagatelles sont de forme modeste ou courte. Ce qui n’augure en rien d’un supposé manque de profondeur. « On voit souvent ces pièces comme on le ferait de pièces pédagogiques. Leur architecture est, en effet, plutôt sobre. Les pièces sont courtes et n’ont pas le développement que Beethoven a achevé dans ses sonates, par exemple. Toutefois, malgré cette simplicité, elles sont d’une exceptionnelle profondeur. Notamment celles des opus plus tardifs. » Leur difficulté technique n’est également que supposée. « Techniquement, certaines sont redoutables et d’autres paraissent très simples. Pour faire ressentir la saveur de certaines d’entre elles, c’est plus difficile qu’il n’y parait. Les plus simples sont les plus difficiles… En effet, quant il n’y a pas beaucoup de matière, il est moins aisé de rentrer dans l’univers musical du compositeur. On pourrait dire aussi que là où il y a juste l’essentiel, on est obligé d’être dans la musique à 100%. »
La Bagatelle « Für Elise » (aussi)
Une intégrale des Bagatelles de Beethoven comporte nécessairement la Bagatelle la plus connue du grand public. La plus jouée aussi par tous les apprentis pianistes. La fameuse et inénarrable Lettre à Elise. Celle qu’Eric-Emmanuel Schmitt, dans son roman Madame Pylinska et le secret de Chopin, évoque si bien. Ce petit monument du salon de bien des maisons dans le monde. « Entre les Dernier soupir et autres Marche turque, je craignais en particulier une torture que ma soeur intitulait la Lettre à Elise, conçue par un bourreau nommé Beethoven, qui me vrillait les oreilles comme la fraise du dentiste. » Racontant l’épisode à Tanguy de Williencourt, nous l’entendons rire de bon coeur. « Ah oui, elle la massacrait ! Beaucoup d’enfants la jouent et pas très bien. Il s’agit alors d’un morceau qu’on pourrait ne plus supporter. Mais là, il me fallait la mettre dans le disque puisqu’il s’agit d’une Bagatelle. »
Malicieux Tanguy dont l’interprétation de la Bagatelle « Für Elise » est somptueuse. Nulle envie de passer à la piste suivante. Au contraire. Seuls les artistes de grand talent ont cette capacité de nous faire entendre ce que nous pensions connaître trop bien. La Lettre à Elise ne pouvait alors constituer meilleur exemple. Puis de nous inviter à écouter ce que nous ne connaissons pas encore. Puisse donc cette Bagatelle si fameuse et si belle sous les doigts de Tanguy de Williencourt presser ceux qui n’ont jamais écouté les Bagatelles de Beethoven à prendre le temps. Une heure fabuleuse de musique vous attend.
Beethoven : Six Bagatelles, op.126 par Tanguy de Williencourt

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