Amour et musique ? Avec Eric Tanguy et Suzana Bartal

Eric Tanguy

Eric Tanguy et Suzana Bartal sont musiciens et amoureux. Ils racontent l’histoire de leur rencontre et leurs vies de musiciens partageant parfois la scène. Ils évoquent en particulier un concert-portrait du compositeur donné au Festival de Pâques en 2018 à l’invitation de Renaud Capuçon.



Eric Tanguy et Suzana Bartal, en musique

Une rencontre

Anne-Sandrine DI GIROLAMO : Bonjour Eric et Suzana. Eric Tanguy, compositeur, et Suzana Bartal, pianiste. Vous êtes tous les deux fous de musique et amoureux l’un de l’autre. Cette situation particulière vous conduit, de temps à temps, à partager la scène. Avez-vous un souvenir particulier de partage de scène ? 

Suzana BARTAL : En effet, amour et musique, c’est très beau lorsque cela s’entremêle. Notre rencontre s’est faite aussi à travers la musique puisque j’avais choisi de jouer des pièces d’Eric aux Etats-Unis. Une pièce pour violoncelle et piano. Il s’agissait de la première pièce à travers laquelle nous nous étions rencontrés. 

Si je devais penser à un concert en particulier, je dirais qu’il y a eu cette invitation pour le concert-portrait au festival d’Aix-en-Provence, festival créé par Renaud Capuçon. Renaud a demandé à Eric de proposer un programme dans lequel il y avait cinq de ses pièces. Il y avait, en regard, des pièces de Schubert (Adagio) et Mahler (Quatuor pour piano et cordes). J’ai eu la joie de jouer ces pièces. 

Rhapsodie d’Eric Tanguy

Anne-Sandrine DI GIROLAMO : Une pièce, en particulier, a fait l’objet d’une création par vous Suzana ? 

Suzana BARTAL : Oui, tout à fait. Il s’agissait de sa première pièce pour alto et piano. Première pièce de son catalogue. Il n’y avait pas d’autre pièce pour alto en tant qu’instrument soliste dans son catalogue…

Eric TANGUY : En fait, c’est elle qui m’a donné l’idée d’une pièce pour alto et piano. 

Suzana BARTAL : Oui, j’en avais assez que tous les altistes avec qui je jouent, formidables musiciens, me disent : « Mais pourquoi n’a-t-il pas écrit encore de pièce pour alto ? » Alors, je lui ai dit : « Maintenant, il faut que tu en fasses une. » Et donc, j’ai eu la joie de la créer avec Lise Berthaud qui est vraiment une musicienne incroyable autant qu’une personnalité remarquable. Nous avons beaucoup travaillé pour répéter et bien préparer cette création mondiale. 

Eric TANGUY : Cette création, c’était une demande, un souhait et une commande spécifique de Renaud Capuçon. Il fallait qu’il y ait une oeuvre nouvelle dans ce concert-portrait. Je trouve que cette démarche de Renaud de donner des cartes blanches aux compositeurs est vraiment formidable. 

(Extrait musical : Rhapsodie d’Eric Tanguy, enregistré par France Musique ultérieurement). 

La création d’une pièce écrite par un être cher

Anne-Sandrine DI GIROLAMO : Suzana, lorsqu’on est sur scène et qu’on créé la pièce écrite par un être cher, comment cela se passe-t-il ? 

Suzana BARTAL : La relation est privilégiée. Pour moi, c’est un tout. Quand nous avons commencé à habiter ensemble, les oeuvres que je travaillais au piano, Eric les entendait, qu’il s’agisse de sa musique ou non. C’est vrai que j’avais plus de stress à travailler devant des oreilles aussi averties. Maintenant, c’est plus naturel. C’est le quotidien. Travailler ensemble les pièces écrites par Eric, c’est aussi comme un échange. On se connait au quotidien.

A chaque fois, j’ai aussi suivi l’écriture de la pièce. J’ai pu avoir cet oeil privilégié, de voir ce qui se passait avant les autres. Donc, pour moi, la chose est à la fois très confortable et exigeant. J’ai envie de donner le meilleur de moi-même mais en même temps, je sais que je ne vais pas être jugée. Cela va être une collaboration et je vais être soutenue dans cette démarche de recherche de ce qu’il a « voulu dire ». 

Pour qui joue-ton ?

Anne-Sandrine DI GIROLAMO : Revenons au jour du concert. Sur scène, Suzana, vous jouiez pour le public simplement ? 

Suzana BARTAL : Pour le public et aussi pour Eric bien sûr. Nous avons cette « blague » selon laquelle, à chaque concert, je joue pour lui, même s’il ne s’agit pas de sa musique. Il y a donc quand même un échange. Je pense que, pour moi, jouer du Beethoven, du Liszt, du Tanguy, pour moi c’est la même chose. C’est-à-dire que je vois la grandeur de la musique, et cela me pousse à … (Eric sourit et émet un doute). Mais c’est vrai ! Je ne le dis pas que pour la vidéo. 

Eric TANGUY : Elle va me faire rougir. 

Suzana BARTAL : Mais peut-être que nous devrions raconter cette histoire ? Quand on fait le travail de l’une de tes pièces à deux. 

Eric TANGUY : Ah oui ! En fait, je n’ai même plus besoin d’aller en répétition (ils rient) parce que Suzana connait tellement bien ma musique et ses spécificités qu’elle est vraiment dans la transmission aux autres. C’est impressionnant. Dans tous les projets que nous faisons ensemble, c’est très impressionnant pour moi de voir que je pourrais être en promenade et savoir que Suzana fait répéter ma musique avec autant de connaissance, de coeur et de profondeur. 

Pendant le concert

Anne-Sandrine DI GIROLAMO : Le jour du concert en 2018, étiez-vous dans les coulisses ou dans le public ?

Eric TANGUY : Pendant les concerts, je suis toujours au milieu du public. D’ailleurs, il s’agit d’un moment très intense. Partager les sensations du public.. On ressent aussi ce que ressent le public. En partie du moins. Il m’arrive très rarement d’être backstage parce que c’est très frustrant. Aussi bien de ne pas pouvoir entendre les musiciens que d’avoir le ressenti du public. Donc, là, pour cette création, j’étais dans le public. 

Anne-Sandrine DI GIROLAMO : Quand vous la regardez jouer, à quoi pensez-vous ? 

Eric TANGUY : Il y a ce que je peux dire et ne peux pas dire. (Ils rient). Je suis toujours très émue, parce qu’elle l’une de mes musiciennes préférées. Je crois qu’on s’est trouvés aussi pour cela. Parce que nous avons une certaine exigence vis-à-vis de la musique. Pas d’esbrouffe. Vraiment la musique devant. Et à chaque fois que j’écoute Suzana, c’est ce qui m’impressionne le plus. La musique s’exprime à travers ses mains. 

Suzana BARTAL : Maintenant, c’est moi qui vais rougir. (Elle rit)

Eric TANGUY : Que disait-on ? 

Anne-Sandrine DI GIROLAMO : L’une de vos musiciennes préférées …

Eric TANGUY : Oui, archipréférée. Mais justement, ce qui est formidable, c’est de pouvoir créer des équipes musicales. Pour le concert à Aix, on a réuni une équipe de musiciennes et musiciens formidables. Il y avait Alina Pogostkina au violon, Rosanne Philippens au violon, Lise Berthaud à l’alto, Claudio Bohorquez au violoncelle, et bien entendu Suzana au piano. Cela a donné une soirée de concert qui était, en tout cas pour moi, un vrai bonheur.

Suzana BARTAL : Je pourrais aller plus loin. L’admiration musicale est la base d’autres admirations. Je pense qu’il serait impossible de vivre avec quelqu’un dont on n’admire pas le travail. Donc je pense que c’est peut-être un cercle. C’est cette subjectivité là qui mène à d’autres subjectivités. Evidemment, si on nous écoute parler, on va dire qu’évidemment, ils ont un bon avis l’un sur l’autre. Mais je pense que vraiment, le début, c’était une grande admiration musicale. 

Retrouvez ici l’intégralité de Rhapsodie d’Eric Tanguy (enregistrée ultérieurement par France Musique)


Découvrez ici le dernier disque de Suzana Bartal

https://gang-flow.com/2020/04/08/inoubliables-annees-de-pelerinage-par-suzana-bartal/

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