
Thibault Noally, son ensemble Les Accents ainsi que les chanteurs lyriques Emmanuelle de Negri, Emiliano Gonzalez Toro, Renato Dolcini et Anthéa Pichanick livrent au public une interprétation somptueuse d’un oratorio de jeunesse de Scarlatti à l’écriture non moins éblouissante.
Il Martirio Di Santa Teodosia, oratorio écrit par un tout jeune Scarlatti âgé de vingt-trois ans seulement, est une oeuvre très peu connue et pourtant empreinte de formidables qualités dramatiques et musicales. Son enregistrement par L’ensemble Les Accents dirigé par Thibault Noally depuis son violon, disponible chez Aparté, est une précieuse découverte.
Quand Scarlatti et son librettiste interprètent librement l’histoire sainte
Il Martirio di Santa Teodosia aurait été représenté à Rome en 1683 en l’honneur de la Reine Christine de Suède puis à nouveau en 1685 à Modène et 1686 à Mantoue. Le fait est assez rare pour être noté. A une époque où on recherche toujours en musique la nouveauté, l’oratorio écrit par Scarlatti plait beaucoup.
L’oeuvre est mystérieuse. Non seulement le nom du librettiste reste inconnu, mais, au surplus, l’histoire sainte y est interprétée de façon unique et libre. Seul Scarlatti relate l’histoire du martyre de Sainte Théodosie de cette manière… « Sainte Théodosie, martyre de Tyr à peine âgée de dix-huit ans, s’était installée à Césarée. Alors qu’elle consolait des prisonniers, probablement chrétiens, elle fut arrêtée et conduite par le gouverneur Urbain pour être condamnée. Elle subit de nombreuses tortures : elle fut jetée en mer, livrée aux fauves… Mais en sortit indemne. Elle mourut par la suite, décapitée. » (Luca Della Libera). Arsène, le fils d’Urbain, aime la jeune femme. Au point d’espérer un mariage, refusé obstinément par elle, malgré tous les efforts et encouragements du serviteur Dèce pour la conduire à accepter.
La jeune femme meurt, offrant son âme au ciel. Et l’oratorio de s’achever dans un tutti prenant où les quatre personnages entonnent : « Le martyre de Théodosie, Te montre on ne peut mieux, Que la mort est la vie, Pour qui meurt pour Dieu. » L’histoire est donc édifiante. Mais là, n’est pas le seul intérêt.
L’interprétation somptueuse d’une oeuvre intensément dramatique

Théodosie refuse l’amour d’Urbain. La recherche de son intégrité morale aura donc raison de sa vie, conduisant la jeune femme au martyre. L’interprétation très libre de l’histoire sainte confère à l’oeuvre une puissance dramatique, soutenue plus encore par l’écriture musicale de Scarlatti et par la place centrale conférée au personnage de Théodosia. Théodosia convie chaque auditeur dans son histoire : tout d’abord celle d’un amour qu’elle refuse puis celle de son martyre.
Intensément dramatique, Il Martirio Di Santa Teodosia, est une très belle découverte. Les musiciens, dirigés par Thibault Noally, réalisent une performance raffinée et subtile tandis que les voix s’accordent parfaitement aux défis de la partition. Emmanuelle De Negri (soprano) est une Théodosia éblouissante, toute de force et d’émotion mêlées. Tandis qu’Anthéa Pichanick (mezzo contralto) livre un Decio riche, Emiliano Gonzalez Toro (ténor) un Arsenio touchant et Renato Dolcini (baryton basse) un Urbano vengeur très séduisant.
Chacun donne ainsi la mesure exacte du rôle qui lui a été confié par la partition. Avec cette volonté manifeste de transmuer la connaissance profonde qu’ils ont de l’esprit et de l’écriture de Scarlatti en un disque de tout premier ordre. Au chef d’oeuvre couché sur la partition, les artistes confèrent vie et richesse plus encore qu’espéré sans aucun doute par le compositeur et son librettiste.
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