
La Fondation Gisèle Tissier-Grandpierre fait la part belle à la harpe. L’histoire est touchante. En 1988, la harpiste Gisèle Tissier-Grandpierre décède. Elle lègue à l’Institut de France la Villa Beau-site, située au flanc du Mont Boron à Nice ainsi que sa collection de soixante-six instruments anciens (dont dix-huit harpes).
La musicienne souhaitait alors que cette collection soit conservée et présentée à Nice. Son souhait fût exaucé avec le dépôt et l’exposition de la collection au Palais Lascaris de Nice, dépositaire également du fonds Gaveau-Erard-Pleyel.
Le côté « bricoleur un peu sympathique » de la harpe selon Régis Campo, membre du jury du Prix

La harpe est un instrument qui a un caractère « un peu bricoleur, très sympathique ». En des termes qui pourraient en surprendre certains mais aussi en amuser bien d’autres, le compositeur Régis Campo, membre du jury du Prix depuis 2019, évoque l’instrument. « J’ai toujours eu des affinités avec la harpe. Déjà très jeune, je composais beaucoup de pièces pour harpe. Il faut dire aussi que je suis fou des parties de harpe qu’on entend dans Daphnis et Chloé et le Concerto en Sol de Ravel. Et aussi que, dès les années soixante-dix, bien des pièces pour harpe seule me plaisaient énormément. »
Au sujet de « cet instrument extraordinaire pour lequel il est très difficile de composer », Régis Campo continue. « Il y a sept pédales ! Si on veut changer un dièse ou un bémol, on le fait avec les pédales. Il est donc très difficile de monter une gamme chromatique et certaines choses sont impossibles à réaliser. Toutefois, à la fin du vingtième siècle, les compositeurs ont trouvé des modes de jeux nouveaux qui ont donné à la harpe un côté bricoleur un peu sympathique et très moderne. » Moderne, voici le mot. D’autres sont venus plus tard, au cours de notre conversation. « Cet instrument peut être plus dur, plus animal, presque surnaturel. Ses timbres sont incroyables et donc, tout dépend des oeuvres qu’on écrit pour lui. » Certains écrivent, d’autres jouent. Place à une autre conversation. Avec la harpiste Sandrine Chatron, lauréate du Prix Gisèle Tissier-Grandpierre Institut de France 2019.
Un prix Gisèle Tissier-Grandpierre Institut de France 2019 décerné à Sandrine Chatron
Etre trop tôt trop content, ce n’est pas bon pour la création.
Sandrine Chatron
Sandrine Chatron : Une artiste qui fait la part belle à la création
La création lui tient à coeur depuis longtemps. Sandrine Chatron est une artiste aboutie, qui a toujours eu envie de faire la part belle à la création. Les réalisations sont nombreuses. Qu’il s’agisse d’un double concerto de Ricardo Nillni avec Alexis Decharmes, ou d’un concerto de Krystof Maratka (Prahaphona Sextet) avec l’ensemble Calliopée, ou encore d’une version pour quatre harpes de la pièce Psaume de Michaël Levinas, et bien d’autres oeuvres encore, oui la création intéresse beaucoup notre harpiste.
« Lorsque j’étais benjamine, j’étais avide de découvrir le répertoire contemporain. » Parce qu’elle a participé à la première académie de musique du vingtième siècle en 1995 avec Pierre Boulez. Parce qu’elle a eu la chance de rencontrer Frédérique Cambreling avec qui elle a beaucoup travaillé au sein de l’Ensemble Intercontemporain. Parce que de riches rencontres ont nourri son désir de faire vivre le répertoire de la harpe, Sandrine Chatron rassemble en elle tout ce que la harpe peut contenir d’élan vital. Il n’est donc pas seulement question de répertoire contemporain, mais aussi de répertoire ancien ou classique. En orchestre symphonique, au sein d’un ensemble de musique de chambre (l’Ensemble Calliopée) ou au sein du Trio Polycordes.
Le parcours de Sandrine Chatron est fondé sur un amour inconditionnel de l’instrument et une curiosité sans fin pour le répertoire. Il a séduit le jury du Prix Gisèle Tissier-Granpierre Institut de France en 2019. Le prix sera remis à l’artiste à la fin du mois de septembre à Nice, en présence de Xavier Darcos et de Régis Campo. Nice, là même où Gisèle Tissier souhaitait que sa collection d’instruments soit mise en valeur.
Naissance d’un nouveau projet de recherche

Le Prix décerné à Sandrine Chatron est appelé à se transformer en un projet artistique que nous attendons de découvrir avec impatience. Notre harpiste, passionnée par la belle époque et ses personnages tout à fait savoureux, souhaite concentrer sa recherche sur le répertoire pour harpe à double mouvement écrit entre 1850 et 1930. Elle avait, par exemple, concentré sa recherche sur le travail d’André Caplet en enregistrant des partitions inédites. N’oublions pas ses lectures sur Misia Sert ou Robert Desnos.
Il est donc question de rencontres avant tout. « J’utilise les rencontres humaines, littéraires ou artistiques pour avancer dans mes recherches. » Sandrine Chatron souhaite mettre en valeur des partitions oubliées ou négligées de la belle époque. Elle doublera sa recherche d’un travail sur les instruments. « Il est important d’essayer de jouer sur les instruments qui correspondent au répertoire. La musique est en effet écrite pour des instruments. Ainsi, rentrer dans « le son de l’époque » donne aussi des orientations d’interprétation. »
Est-il nécessaire d’ajouter que ce magnifique projet sera aussi un outil de pédagogie ? Sandrine Chatron, professeur au sein de la prestigieuse HEM de Genève, fait donc la part belle à la création, à la recherche et à la transmission. « J’aime transmettre une passion, une expertise, une méthode. Et puis on se nourrit de l’énergie des jeunes qui ont une page blanche devant eux et ont tout à créer. » Le Prix Gisèle Tissier-Grandpierre 2019 alimentera donc bien des esprits gourmands.
Prix Gisèle Tissier-Grandpierre Institut de France 2020 : Ouverture des candidatures
Les candidatures au prix Gisèle Tissier-Grandpierre Institut de France sont ouvertes pour l’édition 2020 du 1er septembre au 15 novembre. Aux musiciens et musiciennes qui souhaitent en savoir davantage sur les modalités de participation, cliquer sur l’image ci-dessous.
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