
Mikko Franck et l’Orchestre Philharmonique de Radio proposent au public de Paris et de Laon un programme onirique et personnel par le lien d’amitié entretenu pendant longtemps entre le chef d’orchestre et le compositeur Einojuhani Rautavaara.
De la quatrième symphonie de Mahler (dont le lied final sera interprété par la soprano Jodie Devos) à l’Adagio Céleste du compositeur finlandais Einojuhani Rautavaara. D’une cathédrale construite à la même époque que la vénérée Notre-Dame à un auditorium parisien chéri des mélomanes. Par la musique et au-delà, Mikko Franck partage de précieux moments d’artistes passés avec le compositeur et ami Einojuhani Rautavaara, décédé en 2016.
La musique choisie pour ces deux soirées exceptionnelles fait donc écho à ce qui a contribué à construire Mikko Franck en tant que musicien. Rien, ou presque, ne pouvait attiser notre curiosité davantage.
En concert le jeudi 24 septembre à 18h à la Cathédrale de Laon puis le vendredi 25 septembre à 20h à l’Auditorium de Radio France.
Mikko Franck et l’Adagio Céleste de Einojuhani Rautavaara
Peu connaissent l’Adagio Céleste de Einojuhani Rautavaara. Créée le 18 mai 2002 à Helsinki par l’Orchestre Philharmonique d’Helsinki sous la direction de Mikko Franck, cette oeuvre est celle d’un abandon à la musique des mots tout aussi bien que celle des notes. Ce sont les vers du poète Lassi Nummi qui ont conduit le compositeur sur le chemin. C’est le compositeur lui-même qui a conduit le chef d’orchestre sur la voie. Au public désormais de se laisser porter, sous la protection avisée de Mikko Franck.
L’Adagio Céleste est un chef d’oeuvre connu du chef d’orchestre depuis sa création en 2002. « Cette musique est puissante. Il s’agit là de l’un des plus beaux adagios. Il me semblait donc important de l’offrir au public français, parce que Einojuhani et moi-même étions proches et que je suis toujours heureux de la présenter sur scène. En 2002, à Helsinki, Einojuhani et moi-même avions énormément travaillé la pièce. Et puis, nous avons parlé de musique, de sa musique et de la vie. Nous entretenions une amitié très forte. Les souvenirs que j’en garde me sont extrêmement chers. »
« Nous essayons de recréer l’esprit du poème. »


Einojuhani Rautavaara était souvent inspiré par la poésie. Le poème de Lassi Nummi pouvait, selon le compositeur, expliquer mieux l’Adagio Céleste qu’une analyse musicologique. Mikko Franck relève, quant à lui, la puissance de ce poème. « Le poème est très beau. Il est aussi sensuel. Je pense qu’on peut vraiment l’entendre dans la musique. Et bien sûr, c’est ce que nous essayons de créer quand nous jouons la pièce. Nous essayons de créer l’esprit du poème, parce qu’il a beaucoup influencé le compositeur. »
Nous relevons la neige, l’obscurité, le paysage. Mikko Franck continue. « Chaque pays, chaque nation a ses propres traits. Pour nous, finlandais, la nature est très importante. Elle est présente dans la musique de bien des compositeurs, comme Jean Sibelius par exemple. Et bien sûr, elle l’est également chez Rautavaara ». S’il ne fallait citer ici qu’une seule oeuvre, nous choisirions peut-être le Cantus arcticus, Concerto pour oiseaux et orchestre qui confronte directement le chant des oiseaux du Grand Nord et la musique des hommes.

Espérer que la joie des musiciens sur scène soit ressentie par la salle.
— Mikko Franck, 21 septembre 2020
L’architecture impressionnante d’une cathédrale au service de l’oeuvre

Nos générations ont-elles perdu le sens du rêve et de l’évasion ? La question surgit parfois au détour des conversations. Pour Mikko Franck, la musique « a toujours été présente, depuis des siècles et des siècles, dans le monde entier, et au sein de toutes les sociétés. Je crois que dans les périodes difficiles, la musique est encore plus nécessaire. Ecouter l’Adagio Céleste, ou une musique aussi belle que cette oeuvre, est une expérience tout à fait unique, surtout dans un lieu comme la Cathédrale de Laon. Je suis impatient d’entendre la pièce jouée dans la cathédrale, ce lieu si impressionnant, et en ces jours tourmentés. Il y avait là bien des raisons pour moi à proposer l’oeuvre et je pense que cela sera vraiment très très beau dans la cathédrale. »
Un idéal de continuité et de transmission
Une oeuvre onirique qui fait écho au quatrième mouvement de l’autre chef d’oeuvre du programme, la quatrième symphonie de Mahler (Les joies de la vie céleste). Des lieux d’exception, dont l’un immense, chargé d’histoire et de grandeur. Un chef d’orchestre qui partage avec ses musiciens et le public le lien très privilégié qu’il a entretenu avec un compositeur devenu ami.
Mikko Franck partage en musique un idéal de continuité et de transmission. Rien d’étonnant alors qu’il rêve pour les cinq années qui s’ouvrent à lui en tant que chef de l’Orchestre Philharmonique de Radio France de continuer, tout simplement, le travail qu’il a commencé depuis cinq ans déjà. « Faire pour le public de la musique, belle et fantastique. Construire des programmes parfois un peu inhabituels et offrir le plaisir d’entendre des oeuvres qu’on ne connaît peut-être pas. Espérer que la joie des musiciens sur scène soit ressentie par la salle. » Parce qu’il croit au travail de longue haleine et au long cours, Mikko Franck est un chef qui inspire et le programme céleste qu’il a rêvé pour le Festival de Laon et l’Auditorium de Radio France enchante.
Crédits photographiques : Mikko Franck et l’Orchestre Philharmonique de Radio France sont photographiés par Christophe Abramowitz. La Cathédrale de Laon est photographiée par FX Déssirier.
Lire le poème de Lassi Nummi

Puis, la nuit où tu veux m’aimer au milieu de la nuit, réveille-moi.
Nos draps sont frais, blancs
Comme la neige dehors dans le paysage obscur.
J’ai peut-être attendu, peut-être eu assez d’attendre, viens !
Ne te fige pas pour porter le monde comme un arbre noir, isolé, mais viens.
Réveille-moi, laisse-moi me réveiller à travers la vieillesse et la mort et réveille-toi,
Viens comme une chute de neige, lie-nous au monde.
Que notre amour soit un tâtonnement et un bredouillement.
À travers le monde il est un amour, lorsque tu le veux, lorsque tu me réveilles,
Au milieu de la nuit, lorsque le monde se rend.
Viens.
Lassi Nummi (1928-2012)
(In Livret accompagnant l’enregistrement de l’Adagio Céleste interprété par l’Orchestre national de Belgique, placé sous la direction de Mikko Franck. CD Ondine).
Ecouter l’Adagio Céleste. Orchestre National de Belgique, sous la direction de Mikko Franck
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