
Betulia Liberata. Voici un oratorio écrit par un jeune homme de 14 ans dont on ne sait s’il nous étonne davantage par la verve de son écriture musicale ou par sa compréhension du dramatique. Mozart avait donc quatorze ans, mais comme l’écrit si bien Jean Blot, « La musique constitue pour Mozart, grâce à lui ou en soi – l’arrière-pays du langage – (….). » La musique et les mots donc, l’un avant l’autre, mêlés parfois, avant que la musique ne prenne le dessus.
Cet oratorio est désormais disponible chez Aparté, enregistré par Les Talens Lyriques absolument souverains dans leur proposition. Ils sont rendus plus convaincants encore par les virtuoses Sandrine Piau, Amanda Forsithe, Teresa Iervolino, Pablo Bemsch, Nahuel Di Pierro.
Betulia Liberata par Mozart, sur un livret de Metastasio
Son âme défaille
Par refus de la vérité
— Aria, Non hai cor, se in mezzo a questi, Amital, Betulia Liberata
Le livret de Betulia Liberata a été écrit par l’italien Pietro Meastasio en 1734. Mis en musique à trois reprises avant que le jeune Mozart ne s’en empare, il se fonde sur le Livre de Judith dans l’Ancien Testament. « Au début de l’histoire, les Israélites sont à Béthulie, ville assiégée par les Assyriens, et pressent leur gouverneur Ozia (Ozias) de se rendre. Mais lorsque la veuve israélite Giuditta (Judith) s’infiltre dans le camp ennemi, les évènements prennent un tour dramatique : après avoir séduit Oloferne (Holopherne), commandant des troupes assyriennes, Giuditta le tue dans son sommeil, le décapite et revient avec sa tête à Béthulie. Les Israélites vainquent alors les Assyriens, qui demeurent sans chef, à la faveur d’une attaque surprise ; Achior, ami et allié d’Oloferne, se convertit ensuite au judaïse, désormais convaincu de la supériorité du dieu des Israélites. » (In Livret du disque, écrit par Simon Keefe).
Mozart, Les Talens Lyriques et une grande virtuosité

Dès l’ouverture, tout est ample. Quatre-vingt-dix minutes de folle beauté. Un orchestre somptueux, six solistes exceptionnels et un choeur confèrent à la partition de Mozart la place qu’elle mérite dans l’ordonnancement foisonnant de son oeuvre. Betulia Liberata n’est pas une oeuvre de jeunesse, mais celle d’un jeune Mozart de quatorze ans dont le génie s’épanche là, comme il venait de le faire avec Mithridate, et le fera encore tant de fois.
Cette ouverture, écrite dans le style Strum und Drang, donne l’une des clés de lecture de l’oeuvre. Dramatique, elle vise le coeur de ceux qui écoutent. Energique parfois, elle annonce de splendides Arie comme Parto inerme, e non pavento. Touchante à d’autres égards, elle annonce les choeurs sublimes Oh prodigio ! Oh stupor ! et Lodi al grand Dio Che oppresse.
Voici donc Betulia Liberata par Les Talens Lyriques, six solistes d’exception et un choeur. On savoure une oeuvre qu’on ne peut qualifier de jeunesse. Même si elle a été écrite par un adolescent de quinze ans. Car Mozart savait tout déjà, ou presque, de l’art de toucher en usant à la perfection de la grammaire musicale. Un art de la multitude, presque incontrôlable, des idées et de la virtuosité, maîtrisée, de chaque trait. Un art que Les Talens Lyriques, dirigés par Christophe Rousset, nous offrent. Visiblement eux-mêmes touchés par la grâce de cette oeuvre tant leur interprétation nous transporte. (Crédit photo : Christophe Rousset est photographié par Keith Saunders.
3 commentaires
Les commentaires sont fermés.