Le temps de faire rire la musique avec Alexei Birioukov

Alexei Birioukov

Alexei Birioukov termine notre entretien ainsi : « Au sein du Sirba Octet, on joue en liberté. Bien sûr, nous jouons ensemble. Bien sûr, il y les partitions et les arrangements mais on a le temps de s’amuser. On a le temps de sourire et de faire toutes les choses qui font rire la musique. » Cette phrase, sortie du coeur, donne la clé de toutes les photographies de l’artiste. Toujours au sourire et au plaisir vif de faire entendre au public le son magique de son instrument : la balalaïka.

La musique en famille, au bord de la Mer Noire

Fils de professeurs d’accordéon, Alexei Birioukov avait tout juste six ans lorsqu’on lui met entre les mains un accordéon. L’instrument est imposant. Trop lourd, il est posé sur ses genoux. Et le petit garçon qui n’aime pas l’instrument parce qu’il n’en voyait pas les touches refuse.

Nous sommes à Sotchi, célèbre station balnéaire du Kraï de Krasnodar, au bord de la Mer Noire. Alexei Birioukov raconte. « L’été, toute la famille et les amis venaient chez nous. A l’époque, tout le monde allait chez ceux qui vivaient près de la mer. Notre appartement était donc toujours rempli de monde. Et chaque soir, c’était la fête, la vodka, l’accordéon et le chant. » Il rit et conclut. « Donc, tout cela était vraiment très festif. Les vacances d’été duraient trois mois. Nous avions la tête complètement ailleurs, tous les jours à la mer, avec les copains. La liberté était totale et la musique a baigné toute mon enfance. »

Le jeune Alexei a fini par rencontrer la balalaïka, à l’âge de dix ans. Alors que son père se rend à Krasnodar pour passer le Diplôme Supérieur d’Enseignant de musique à l’Institut de la Culture, il rencontre Vladimir Antipov, professeur et chef d’orchestre de l’Institut de Krasnodar. « L’amitié a grandi entre eux. Vladimir est alors venu nous rendre visite chaque été, avec sa balalaïka dans le coffre de la voiture. Un jour, il m’offre une balalaïka d’étude et ma mère qui est vraiment très tendre et très douce, me propose alors de prendre quelques premières leçons à la rentrée. »

La révélation d’une première leçon

Voici le jeune Alexei un premier septembre, jour de rentrée. « Je suis allé prendre un premier cours chez Yuri Borisovitch Siniev, mon premier professeur. Adorable monsieur, excellent musicien. Nous avons travaillé sans partition. Cette sensation d’appuyer sur la corde et d’en sortir le premier son a été pour moi une révélation. C’était incroyable. Je suis véritablement tombé amoureux de cet instrument. Je dormais avec lui, je jouais avec sous les draps le soir. Il a changé complètement ma vie. » Alexei Birioukov rit.

Cinq années s’écoulent. Vient alors le temps de l’apprentissage au sein du Conservatoire Régional de Krasnodar avec le virtuose Vladimir Gueorgievitch Urbanovitch. « Le conservatoire était situé à trois cent kilomètres de Sotchi. Ce n’était pas très loin alors je revenais un week-end par mois à la maison. J’ai ensuite été admis à l’Académie russe de musique de Gnessine située à Moscou. » Cette académie prestigieuse porte une section dédiée aux instruments populaires russes comme la balalaïka, la domra, la guitare, le bayan, l’accordéon. Aux côtés de grands professeurs et concertistes, dont Pavel Ivanovich Netcheporenko, Alexei Birioukov parfait sa formation.

Savez-vous ce qui nous a comblée ? Entendre le musicien parler de tous ses professeurs, à commencer par le premier. Rétablir la réalité d’un long parcours d’apprentissage. Les virtuoses apportent au jeune musicien un certain savoir. Les premiers professeurs ont, quant à eux, le pouvoir de transformer la vie d’un jeune en suscitant l’amour pour la musique et la rencontre avec un instrument. Nous avions interrogé Alexei Birioukov sur l’un de ses grands professeurs de l’Académie Gnessine. Il a répondu en évoquant le premier professeur, puis le second, puis le suivant.

Alexei Birioukov

« Nous sommes tous devenus des musiciens classiques »

Beaucoup connaissent la balalaïka par le reflet d’images populaires. « Bien sûr, ces images populaires sont réelles. Ma grand-mère, née en 1920, a joué de l’instrument, mais avec d’autres accords. Elle jouait avec son père, accompagnait le violon russe, des chants et des danses populaires. Du moyen-âge jusqu’au début du 20ème siècle, l’instrument était populaire, folklorique et appartenait à une tradition orale.

A partir des années 1930-1940, l’instrument est devenu classique et son enseignement est devenu identique à celui de tous les instruments de l’orchestre. Par ailleurs, de grands musiciens comme Vassili Vassilievitch Andreïev ont fait évolué l’instrument en commandant des exemplaires uniques aux grands luthiers de l’époque et en construisant véritablement le répertoire. Un répertoire désormais lisible sous trois formes : adaptations de musiques folkloriques, compositions originales et transcriptions des grands oeuvres classiques.

Alexei Birioukov appartient à cette génération de musiciens classiques, virtuoses de la balalaïka. Installé en France depuis 1997 et naturalisé français, il est l’ambassadeur d’un grand instrument, aimé du public français. Ce qui ne cesse d’étonner ses compatriotes russes. « Lorsque je retourne en Russie, les gens me demandent ce que je fais en France. Je réponds : « Je joue de la balalaïka. » Ils ne comprennent pas et me demandent d’être un peu sérieux. « Sérieusement, tu fais quoi ? », me demandent-ils à nouveau. Et je réponds : « Je joue de la balalaïka ». Ils s’entêtent à ne pas comprendre. « Tu enseignes et fais quelques concerts à côté ? ». Je m’entête aussi. « Non, non, je joue de la balalaïka, en concert.  » Et quels concerts ! A entendre la voix de ce musicien ensoleillée et souriante, à le voir sur ces photos, on se dit que savoir faire rire la musique à ce point est un don inestimable.

Toutes les photographies de cette publication ont été prises par Clément Savel.

Extrait : Accordéon et Balalaïka, un peu comme dans l’histoire de Alexei Birioukov

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