
Voici le livre d’un spécialiste qui sait se rendre accessible. Sergueï Rachmaninov – Portrait d’un pianiste par André Lischke explore le parcours et la vision artistique du compositeur, pianiste et chef d’orchestre Sergueï Rachmaninov.
Un livre publié chez Buchet-Chastel.
Sergueï Rachmaninov – Portrait d’un pianiste : Ecouter notre podcast
Un livre qui mêle avec art et subtilité l’histoire de l’homme et celle de l’artiste
Il est toujours utile pour comprendre un livre de prendre connaissance de son plan avant que d’en commencer la lecture. Outre l’introduction, 6 chapitres dont voici les titres :
- Une formation à la dure
- L’œuvre, genres, formes et style
- Bilan d’un quart de siècle en Russie
- Une nouvelle vie
- L’homme et son travail
- Sur disque
Voyez comme cette structure en dit long sur l’ouvrage d’André Lischke dont la principale qualité est de mêler avec art et subtilité l’histoire de l’homme, celle de l’artiste et celle de son travail. Je parle de travail et non d’œuvre car Rachmaninov c’est le destin d’un artiste complet, à la fois compositeur, interprète de son propre répertoire et de celui des autres, et chef d’orchestre. Un artiste accompli, dont la stature internationale s’est forgée, en longeant l’histoire et ses soubresauts. A commencer par la Révolution russe.
Education, ponctualité et exigence
En 1917, il est contraint d’abandonner son domaine Ivanovka et tous ses biens et écrit dans une lettre à Siloti du 1er juin 1917 : « Actuellement la propriété vaut 120 000 roubles. Je fais une croix dessus et considère ceci comme ma faillite. De plus, les conditions de vie y sont telles qu’après y avoir passé trois semaines, j’ai décidé de ne plus jamais y retourner. » Et André Lischke d’ajouter que « selon des sources non confirmées mais tout à fait vraisemblables dans le contexte de l’époque, le piano à queue de l’artiste aurait été sorti de la maison par des révolutionnaires et noyé dans l’étang voisin. »
Commence alors une nouvelle vie pour l’artiste qui n’avait jamais eu l’ambition d’être un concertiste faisant carrière à temps plein. L’auteur rappelle que Rachmaninov » a et il aura toujours ce sens pratique, cette conscience à la fois aiguë et tranquille des réalités matérielles de la vie dans toutes ses dimensions, et ce sens de l’équilibre et de la mesure, qui lui permet d’assumer le goût du luxe exempt de toute outrance. » André Lischke recense alors le nombre de concerts donnés par Rachmaninov entre le 18 septembre 1918 et 17 février 1943, par exemple. 1208 concerts en vingt-quatre saisons et donc une moyenne de 50 concerts par saison, pour lesquels l’auteur recense également le répertoire interprété. De quoi comprendre les références et les goûts musicaux du compositeur. Puis de comprendre son travail, et sa vision du travail. Avec éducation, ponctualité et exigence, le maître impressionne.
« L’or était dans son coeur »
L’homme aussi. André Lischke l’écrit fort bien. « (…) l’homme était d’une générosité exceptionnelle, une main large dans tous les sens du terme, qui donnait sans compter et le faisait avec une totale discrétion. » Et l’auteur de suggérer à quelque futur étudiant de recenser tous ceux qui ont bénéficié des dons de Rachmaninov. « L’or était dans son cœur » avait lancé Hofmann. « Aux côtés de Liszt, mais sans l’ostentation narcissique de ce dernier, le nom de Rachmaninov s’inscrit au panthéon des plus belles personnes humaines de l’histoire de la musique. ».
Nous terminerons sur ces mots flatteurs, espérant qu’ils vous donneront envie de découvrir ce livre profond, érudit et fluide. Sergueï Rachmaninov, Portrait d’un pianiste par André Lischke. Ce livre publié chez Buchet Chastel complète la publication d’écrits et d’interviews de Rachmaninov. Il s’agissait alors de Réflexions et souvenirs, traduits et dirigés par Carine Masutti.