« L’épanouissement culturel du royaume de France à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe est à la fois le fruit et la conséquence de la splendeur et du rayonnement du pays à l’étranger. »

L’ensemble El Gran Teatro Del Mundo aborde le répertoire allemand des « Lullistes » dans un disque disponible au magnifique label Ambronay Editions. Un répertoire baroque profondément influencé par le style français et offert au public dans sa splendeur à travers le prisme de partitions d’orchestre réduites pour ensemble de chambre.
« Ma profession est bien éloignée du tumulte des armes, et des raisons d’Etat qui les font prendre. Je m’occupe aux notes, aux chordes, et aux sons. Je m’exerce à l’Etude d’une douce Symphonie : et lorsque je mêle des airs François, a ceux des Allemans, et italiens, ce n’est pas émouvoir une Guerre ; mais plustot preluder peut-être a l’harmonie de tant de nations, a l’aimable paix. » (Georg Muffat, Préface de Florilegium Primum, 1695).
De l’épanouissement culturel de la France et du « Lullisme »
Il sera question de l’épanouissement culturel de la France à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle. Le rayonnement d’un pays qu’on décrie parce que guerrier et qu’on admire parce que profondément voué aux arts. Le « style français » adoucit en quelque sorte les méfaits de la conquête militaire….
« Le « Lullisme » est le reflet musical de tous ces phénomènes complexe.Et porte le nom de celui qui incarna ce style, Jean-Baptiste Lully », écrivent les musiciens de l’ensemble El Gran Teatro Del Mundo. A eux le désir de travailler les manifestations allemandes. Ce qu’ils font à la perfection en s’appuyant sur les « partitions réduites ». Celles-ci « permettaient aux grandes oeuvres devenues les emblèmes d’un style et qui en raison de leur qualité ou nouveauté étaient attrayantes à l’époque, d’être interprétées avec un effectif réduit de musiciens dans un environnement plus intime ou moins formel. »
Quand Fischer, Muffat et Telemann enrichissaient le style de Lully de leurs propres accents
Le disque présente quatre oeuvres. La suite n°1 en Do majeur de Fischer, la plus fidèle aux canons établis par Lully. « Dans son dernier mouvement (…) nous trouvons des citations quasiment littérales des chaconnes des tragédies en musique de Phaëton et de Cadmus et Hermione. Dans le premier acte d’Amadis, nous trouvons une marche et un « air des combattants » en tout point semblables aux mouvements homonymes de cette suite, y compris l’utilisation des trompettes, qui étaient associées aux militaires. »
Plus personnel par l’usage du contrepoint hérité de l’école allemande, Muffat vient avec sa suite « Nobilis Juventus ». Plus originales encore, sa sonate en sol mineur. Elle qui mêle habilement les styles français et italiens, comme dans le second mouvement. « Une gigue française constamment interrompue par des pauses dramatiques à l’italienne, et qui au milieu du mouvement se transforme presque imperceptiblement en fugue, le tout enrichi par les contrastes entre les interventions des solistes et la réponse de tout l’effectif instrumental. »
Viendra alors le moment de savourer la Suite TWV55:Es4 de Telemann. Datant probablement d’une période de fascination du compositeur pour le style français, elle porte aussi son admiration pour la musique folklorique polonaise. Et représente une étape intermédiaire entre le lullisme le plus pur de la fin du XVIIe siècle, et la progressive influence italienne. »Un bel exemple, enfin, de l’importance des « partitions réduites ».
Un disque absolument splendide, historiquement et musicalement parfait.