Bluffants Emiliano Gonzalez Toro et Zachary Wilder

Les ténors Emiliano Gonzalez Toro et Zachary Wilder, accompagnés par l’Ensemble I Gemelli, livrent un album de mélodies italiennes et espagnoles de la fin du XVIe siècle et de la première moitié du XVIIe siècle. Le résultat, au disque et sur scène, est bluffant.

Zachary Wilder

A room of mirrors est le titre de l’album. Une chambre des miroirs, dans laquelle se confrontent, dans la profusion des styles et le contraste des sentiments, deux ténors aux voix et aux personnalités exceptionnellement complémentaires.

Ce disque est disponible au label Gemelli Factory.

Emiliano Gonzalez Toro et Zachary Wilder : magie de leurs voix en duo

« C’est Monteverdi qui « invente » le duo d’opéra, et plus précisément le duo de ténors, dans l’Orféo (1609), mettant en scène le dialogue Orphée-Apollon dans une écriture virtuose et symbiotique : les voix sont enlacées dans une profusion de vocalises où l’on a du mal à discerner, des deux divinités, qui est le père et qui est le fils. Le procédé sera longuement développé dans le 7ème livre de madrigaux du même Monteverdi, véritable laboratoire la musique moderne. » (Mathilde Etienne, livret du disque).

Voici deux ténors bien connus de la scène baroque. Le suisse Emiliano Gonzalez Toro, directeur artistique de l’Ensemble I Gemelli, est acclamé depuis de nombreuses années pour ses interprétations de Monteverdi aux côtés des plus grands ensembles baroques français dirigés par des chefs désormais emblématiques. L’américain Zachary Wilder n’est pas en reste puisque Monteverdi lui a aussi soumis ses plus beaux rôles. Un parcours artistique rigoureux et d’excellence tel que les deux ténors devaient un jour, c’était certain, enregistrer ensemble et confronter, en miroir, leurs talents immenses.

Des mélodies où humour, extravagance et douceur s’entremêlent au gré des voix et des instruments

Au programme, des mélodies baroques, italiennes et espagnoles, où se répondent les deux ténors avec humour, extravagance ou douceur. Leurs voix, parfaitement complémentaires, mettent en valeur un répertoire délicieusement exubérant et contrasté. Des chansons gaillardes bien sûr (la Damigella tutta bella de Vincenzo Calestani et non de Monteverdi). Dove ten’vai de Francesco Turini, chanson de berger à la douce dont il espère les faveurs et écho à l’Orféo. Et puis des chansons burlesques comme La vecchia innamorata de Biagio Marini. Quand un jeune homme, à regret, exprime à la vieille amoureuse les sentiments qu’il ne ressent pas un seul instant, et que celui qui l’interprète est aussi drôle que Zachary Wilder, le public en redemande. Tout comme la délicatesse dont il fait preuve en d’autres titres de l’album.

N’oublions pas les musiciens de l’Ensemble I Gemelli. Dirigés par un « ténor-chef », ils ont l’élégance de chaque trait et la note ciselée. Leur visible joie d’être sur la scène de Gaveau à Paris le 24 mars 2022 et le soin porté au travail musicologique sur le programme rendent leur contribution belle et indispensable.

A room of mirrors, par l’Ensemble I Gemelli, avec Emiliano Gonzalez Toro et Zachary Wilder est un grand disque. Richesse du programme et perfection des interprétations font qu’on l’écoute une fois, puis deux, puis trois et que le disque devient un refuge des moments précieux de la vie, comme un livre qu’on lit et relit plusieurs fois sans jamais se lasser.


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