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Le Concert des Oiseaux : Quand écologie et musique font la joie des mélomanes

Le concert des oiseaux

L’ensemble La Rêveuse propose au public, une nouvelle fois, un projet protéiforme et engagé. Avec le Concert des Oiseaux, disque-livre splendide, publié chez Harmonia Mundi, l’ensemble enregistre des oeuvres des XVIIe et XVIIIe siècles témoins de la fascination des hommes pour la nature. Il met ensuite en miroir une oeuvre contemporaine composée par Vincent Bouchot, Le Carnaval des animaux en péril, comme un écho au Carnaval des animaux de Saint-Saëns.

Entretien avec Florence Bolton, directrice artistique de l’ensemble La Rêveuse

La Rêveuse est un ensemble très dynamique. Pas une seule année sans un ou plusieurs projets, qu’ils soient discographiques ou d’une autre nature. Comment élaborez-vous vos projets de façon générale ? 

Florence Bolton : Nous imaginons des tas de projets différents les uns des autres donc il est difficile de faire des généralités mais ce qui est sûr c’est que nous partons toujours d’une idée, d’une image, un tableau, parfois un souvenir ou une discussion. Cette idée va nous trotter dans la tête pour ensuite grandir et infuser tout un projet (qui peut, à l’arrivée,  avoir de nombreuses ramifications et être une construction complexe). 

Le succès éclatant du Carnaval des animaux a fait oublier d’autres essais carnavalesques plus anciens. C’est le cas des Ramages de Michel Pignolet de Montéclair (plage 6), ami de Couperin, qui avait déjà eu l’idée de mettre en musique un drôle de défilé d’oiseaux de toutes sortes paradant élégamment en rangs serrés avant de s’égailler dans un grand bazar coloré et bruyant ….

In livret du disque

Le concert des oiseaux : comment ce projet discographique est-il né ? Comment l’avez-vous muri puis travaillé ? 

Florence Bolton : Il est né d’une rencontre avec un instrument, le flageolet d’oiseau et d’un enchaînement de choses qui est peut-être ce qu’on appelle le destin ? 

Mon père, Philippe Bolton, est facteur d’instruments à vents et passionné de flageolets. Un jour il me montre cette minuscule flûte, construite pour apprendre à chanter aux oiseaux. Tout ceci m’intrigue beaucoup, d’autant plus que dans mon idée, ce sont bien les oiseaux qui, faisant de la musique sans le savoir, comme Mr Jourdain fait de la prose, ont sans doute donné aux hommes l’idée de construire des instruments de musique pour les imiter. Les premières flûtes remontent à la Préhistoire et l’histoire des oiseaux serait donc liée à l’histoire de la musique.

Ensuite, humains et oiseaux vont prendre des routes très différentes mais ils se retrouvent au XVIIIe siècle avec un rapport dominant dominé très fort : les hommes pensent leur propre musique si supérieure à celle de la nature qu’ils se piquent d’apprendre aux oiseaux à chanter notre musique. C’est un sujet passionnant et qui va bien plus loin que la musique : il touche à la philosophie, la religion, l’histoire des sciences naturelles, l’écologie et l’éthologie, l’organologie et l’histoire de la musique…

Bien plus qu’un concert autour des oiseaux …

Avec Benjamin Perrot, l’autre directeur artistique de La Rêveuse, nous avons donc imaginé ce grand projet, qui ne serait pas juste un concert autour des oiseaux, mais quelque chose de plus grand, vu l’ampleur du sujet. Nous avons donc créé un spectacle jeune public (Le Rossignol et l’Empereur de Chine, théâtre d’ombre, avec la marionnettiste Cécile Hurbault, musique écrite par le compositeur Vincent Bouchot), un concert commenté qui réunit compositeurs baroques et compositeurs XIX/XXe qui ont puisé leur inspiration dans des œuvres des baroques comme celles de Couperin ou Rameau. Nous avons donc imaginé une sorte de miroir autour du thème des oiseaux, joué avec un véritable cabinet de curiosité instrumental (flageolets d’oiseau, gemshorn, flûtes de toutes les tailles, pardessus de viole et quinton, théorbe, clavecin…) avec de magnifiques arrangements de Vincent Bouchot pour les pièces « modernes ». 

La Rêveuse propose enfin, en complément de tout ceci, de l’action culturelle pour les scolaires et des conférences musicales. Et on pourrait faire encore plein de choses, si on avait plus de temps car on n’a pas assez d’une vie pour faire le tour d’un sujet pareil ! 

Avec les oiseaux, nous avons tourné dans toutes sortes d’endroits, en ville aussi bien qu’à la campagne, dans des granges ou dans des grandes salles de concert, en France et même à l’étranger et devant des publics de tous les âges.

Qu’est-ce qui fait la réussite d’un projet discographique ?

Florence Bolton : C’est toujours difficile à dire. On est toujours content en général d’un disque qui sort ; on l’a peaufiné pendant tant de temps, c’est un peu notre bébé.

Mais on ne maîtrise pas tout, loin de là. Il existe une grande part de chance et de hasard car le projet est mis sur les rails deux ans avant sa sortie : s’il est en parfaite adéquation avec la demande du public et l’air du temps quand il voit enfin le jour, les planètes sont alignées…Mais parfois elle ne le sont pas. Cela va dépendre aussi des médias : vont-ils en parler beaucoup, peu ? En bien ou en mal ?

Il y a toujours un public attaché à la musique baroque qui répond présent c’est sûr mais les chiffres de ventes d’un disque de musique baroque n’ont rien à voir avec la pop par exemple, où on compte en millions d’exemplaires vendus ! 

En résumé, on ne sait rien et c’est toujours une surprise ! 

Nous vous savons très attachée à certaines valeurs de partage mais aussi d’économie des ressources et de sens du discours tenu par un ensemble au travers de son travail. Pourriez-vous me dire si, au gré des difficultés du covid, de la crise écologique ou de la guerre en Ukraine entre autres exemples, vous pensez avoir évolué dans la conception de votre travail et de vos projets ? 

Florence Bolton : Nous avons évolué c’est certain. Surtout depuis que nous travaillons sur des projets qui croisent écologie et musique, comme sur le présent enregistrement (le Concert des Oiseaux/le Carnaval des animaux en péril). Mais je dirai aussi que la société a évolué et que les programmateurs ont également évolué. On essaie de penser à des projets plus économes et moins polluants, à recycler davantage. 

Nous essayons d’avoir un impact moins important sur la planète quand nous organisons des tournées : par exemple nous ne prenons plus un avion pour aller faire une unique date de concert à l’autre bout du monde, ça n’aurait aucun sens. Nous essayons de grouper des dates quand nous allons quelque part pour éviter de gaspiller énergie et moyens de transports. Ca n’est pas toujours facile à organiser mais ça reste une idée moteur pour Benjamin comme pour moi.

Depuis la création du projet des oiseaux et celui du Carnaval des animaux en péril, nous essayons aussi de transmettre des valeurs de respect de la nature, d’expliquer comment l’homme s’est imaginé qu’il pouvait tout maîtriser, lors des actions en milieu scolaire et des conférences musicales. C’est une goutte d’eau mais si tout le monde s’y met…

Et nous sommes contents Benjamin et moi de pouvoir participer à tout ceci avec la musique, qui n’est pas si souvent utilisée sur ces sujets brûlants, où l’on attend plutôt l’art contemporain.

Une personne achète un disque. Qu’aimeriez-vous qu’elle sache quand elle fait cet achat ? 

Florence Bolton : Déjà merci à elle d’acheter un vrai disque physique et non de télécharger sur les plateformes ! 

Un disque est conçu de A à Z ; ordre des plages, pochette, livret etc.. Et celui-ci plus que les autres a été fait avec amour : j’adore la gravure de la pochette et le livret est plus long et plus illustré que d’habitude. On perd une partie de cette magie avec le téléchargement…

Merci à Harmonia Mundi pour ce projet fou et original, qui est un pari car la production de CD subit aussi la crise de plein fouet (coût du papier etc..). Et puis que cette personne puisse imaginer tout ce qu’il y a de travail, enthousiasme, fatigue et espoir dans cette petite boîte, qui je l’espère, la fera voyager dans un monde imaginaire. On a bien besoin de rêver aujourd’hui ! 

A quelle question rêvez-vous de répondre ? 

Florence Bolton : Je suis déjà ravie de toutes les autres questions ! Peut-être une question sur le Carnaval des animaux en péril, qui clôt le disque, superbe œuvre du compositeur Vincent  Bouchot et lointain avatar du Carnaval de Saint-Saëns. On y trouve un choix d’animaux moches et moins sympathiques qu’un panda ou un éléphant, chouchous du public, mais dont la disparition programmée serait une catastrophe pour l’équilibre de la planète ! 

Merci donc au concombre de mer et au pangolin de nous avoir inspiré cette belle œuvre très originale, qui trouvera, je l’espère, son public ! 

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