
Il est rare d’écouter un disque aussi collectif et personnel à la fois. Rendez-vous, c’est un cycle de six mélodies pour soprano, trompette et piano, sur les poèmes de Jean Cocteau, de Boris Vian et d’Alain Duault. On y explore les possibilités de la trompette à l’heure du XXe siècle. On y goûte aussi avec un infini plaisir les nouvelles écrites par Arièle Butaux et lues par Pierre Arditi. Un disque unique, conçu comme une oeuvre d’art, entre musique et littérature.
Rendez-vous (label Aparté) avec Julie Cherrier-Hoffmann (soprano), Lucienne Renaudin Vary (trompette), Frédéric Chaslin (piano et composition), Pierre Arditi (récitant) et Arièle Butaux (écrivain).
Rendez-vous : Entretien avec Frédéric Chaslin et Julie Cherrier-Hoffmann
Gang Flow à Frédéric Chaslin et Julie Cherrier-Hoffmann : Si je vous dis, « il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous », que me répondez-vous ?
Julie Cherrier-Hoffmann : La vie est faite de rendez-vous. Manqués ou pas. Chaque rencontre, chaque incident, chaque instant a une raison d’être. Pour nous éveiller, nous faire changer de direction, nous apprendre quelque chose, nous permette de s’arrêter un instant pour écouter l’horreur ou la beauté du monde. Chaque personne qui entre dans notre vie ou en sort porte en elle un message: à nous de le lire et de l’accueillir. J’aime cette citation de Albert Einstein qui disait que « le hasard, c’est Dieu qui se promène incognito ». La vie me surprend chaque jour, j’attends le prochain rendez-vous.
Frédéric Chaslin : Il n’y a en effet dans la vie que des rendez-vous, avec le prochain instant, la prochaine rencontre, le prochain évènement, mais ils sont tous des hasards. Peut-on prédire avec certitude chaque instant à venir, chaque rencontre, chaque évènement ? On a perpétuellement rendez-vous avec le hasard.

Gang Flow à Frédéric Chaslin : Lorsque vous avez décidé de composer pour une composition aussi inédite que celle d’un trio soprano-trompette-piano, que vous êtes-vous dit ? Quelles questions vous-êtes vous posées en tant que compositeur et comment y avez-vous répondu ?
Frédéric Chaslin : C’était une sollicitation de mon épouse Julie, et je me suis mis au travail avec l’idée que la trompette devait être une seconde voix, j’avais en tête les duos pour deux voix de femmes de Mendelsohn par exemple. Et mon expérience de chef d’orchestre d’opéra me dictait un certain nombre des choses par expérience, pour éviter que l’une ne marche sur les pieds de l’autre. C’est la raison pour laquelle presque toutes les mélodies commencent par une introduction de trompette seule, afin que l’instrument puisse s’épanouir dans un premier temps, avant d’aller délicatement accompagner la voix.
Gang Flow à Frédéric Chaslin : Vous avez choisi d’explorer les possibilités de la trompette en vous concentrant sur la période du 20ème siècle avec du jazz, des tangos, des ragtimes. Pourquoi ? Est-ce une période pour laquelle vous éprouvez des affinités particulières ?
Frédéric Chaslin : J’ai de tout temps de plus grandes affinités avec les périodes qui me sont les plus proches, tout simplement parce que ce sont des périodes (sauf le premier jazz évidemment) qui sont nées avec moi, leur souffle vital, natal, est le mien, surtout (dans d’autres compositions) la pop expérimentale des années 70. Chaque grande époque de la composition a été marqué par une utilisation de la musique populaire des décennies précédentes. Et par un mouvement de retour, la musique populaire intègre les inventions de la musique classique. Ce cycle est très bénéfique pour les deux parties.
Gang Flow à Frédéric Chaslin : Pourquoi mettre de côté la période baroque, une époque où la trompette a aussi été souvent mise à l’honneur ?
Frédéric Chaslin : Je dirai … pourquoi écrire aujourd’hui de la musique néo-baroque? Je l’ai fait de façon très cryptée dans deux de mes opéras, Stravinsky l’a beaucoup fait, c’est un matériau comme un autre. Mais je n’ai pas senti la nécessité de remonter si loin dans le passé pour cet album que je voulais ancré dans notre époque. Le choix des poètes va dans ce sens également.
Gang Flow à Julie Cherrier-Hoffmann : Le disque est composé de miniatures musicales, où les mots et les notes sont complémentaires. Quels étaient, vous vous, les défis à relever pour faire de ces miniatures un moment riche musicalement et littérairement parlant ?
Julie Cherrier-Hoffmann : Ces miniatures sont des univers tout entiers, la musique de Frédéric Chaslin est au service de la poésie et ne prend jamais le pas sur elle à l’image d’un couple de danseurs. Le défi fut celui d’être le plus juste possible sans jouer mais simplement être, s’oublier à soi même et devenir messagère. Pour cela il a fallu faire un véritable travail d’artisan, puis de comédienne et enfin de musicienne.
Gang Flow à Julie Cherrier-Hoffmann : Les poèmes de Boris Vian, Jean Cocteau et Alain Duault ont été choisis par vous deux alors qu’ils étaient déjà publiés. D’un autre côté, vous avez demandé à Arièle Butaux d’écrire les nouvelles qui complètent le disque. L’avez-vous guidée avec des demandes particulières ? Si oui lesquelles ?
Julie Cherrier-Hoffmann : Ma demande particulière était que pour chaque pièce musicale, et bien entendu chaque poème mis en musique, Arièle nous écrive des nouvelles en résonance avec celui-ci. Les mélodies merveilleuses de Frédéric Chaslin sur les poèmes de Vian, Duault, Cocteau nous prennent par la main et nous ramènent à nos souvenirs, nos désirs irréalisables, nos peurs, nos rires, nos amours. Je voulais que le temps s’arrête pour rester ensemble un plus long moment, ressentir profondément que tout cela peut faire partie de notre vie, de votre vie. Arièle est éveillée au monde et son empathie, sa sensibilité ne pouvaient que chanter juste avec nous.
Gang Flow à Frédéric Chaslin et Julie Cherrier-Hoffmann : Que se passait-il les jours de découverte et de lecture des nouvelles écrites par Arièle Butaux ? Comment le travail se faisait-il ?
Le jour de découverte était une fête, comme si de nouveaux personnages s’invitaient à notre table ou nos fantômes qu’on aimerait toujours toucher et entendre étaient bien là. L’amitié qui nous lie à Arièle est une évidence de par nos parcours de vie et notre regard sur ce qui nous entoure. Finalement à chaque nouvelle ce fut un cadeau, l’esprit de Pauline Viardot était bien présent. Pourquoi dis-je cela ? Le projet est né à la lecture du roman d’Arièle « La vestale ». C’était un soir à Venise, Pauline Viardot l’avait choisie et nous avait soufflé à l’oreille : « c’est elle qui pourra s’inviter à votre création ».
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