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Sous les mots clés de Mathieu Romano

Mathieu Romano
Mathieu Romano

C’est à l’occasion de la parution d’un disque tout à fait splendide chez Aparté que nous avons proposé à Mathieu Romano de partager avec nous ses mots clés et de les expliciter. Il a choisi les mots chef d’oeuvre, instrumentation, inédit, russe et pianola. Cinq mots qui lui permettent de présenter le programme de ce disque que nous avons beaucoup apprécié.

Les mots clés de Mathieu Romano

Chef d’œuvre

Pourquoi le répertoire présenté dans le disque n’est-il pas programmé plus souvent dans les salles ? Pourquoi le grand public ne connait pas assez la pièce des Noces ?

Mathieu Romano : D’une part, ce n’est pas le Stravinski flamboyant et jeune de l’Oiseau de feu, ou le Stravinski grand maitre du Sacre du Printemps. C’est un Stravinski plus aride moins connu. La version habituelle des Noces demande un gros effectif, c’est beaucoup de chanteurs, quatre pianos et beaucoup de percussions, ce n’est pas une œuvre facile à donner, et c’est pour cela que ce n’est pas souvent programmé dans la version la plus célèbre. Et enfin, il y a certainement une frilosité des programmateurs, pour une musique qui n’est pas forcement très connue, et c’est de la musique chorale, ce qui n’est pas très engageant parfois, et plus les programmateurs hésitent, moins le public connaît. C’est une sorte de cercle vicieux. Il y a une vraie question de ne pas oser programmer des œuvres qui sortent du répertoire connu.

Instrumentation

Quelles sont les particularités de chaque instrument dans la version des Noces choisie pour le disque ?

Mathieu Romano : Ce qui est très intéressant dans cette version est que chaque instrument a sa fonction. C’est une version très rythmée, très rugueuse. Le pianola est une sorte de base sur laquelle tout se pose, c’est un peu la rivière, le fil conducteur. Les Cymbalums apportent ce clinquant, ce coté très percussif et d’attaque, ce coté très sec. L’harmonium apporte l’harmonie, et les tenues harmoniques, il n’a pas d’attaques, mais des tenues de sons, à l’inverse du cymbalum. Enfin les percussions apportent le coté extrêmement folklorique de cette œuvre. C’est donc une combinaison d’instruments assez peu ordinaires, un attirail loufoque et original, qui fait la richesse de cette œuvre.

Inédit

Que vous apporte la découverte d’un inédit ? Tous les inédits méritent-ils d’être remis au gout du jour ?

Mathieu Romano : Un inédit permet d’avoir la pensée la plus fidèle du compositeur, connaitre la genèse des œuvres, et leur histoire. La découverte d’un inédit, c’est parfois tout un univers déférent. Dans le cadre de Noces, voir cette version inédite, éclaire la façon dont Stravinski pensait cette œuvre, et permet de l’interpréter différemment. Il y a une question d’éclairage nouveau.

Je ne pense pas que tous les inédits méritent d’être mis au gout du jour, il y la question des inédits que l’on retrouve, mais qui sont peut-être des esquisses que les compositeurs ont rejeté eux mêmes. Dans ce cas là, ce n’est pas forcement utile de les remettre au gout du jour. Pour ce qui est de Stravinski, ce n’est pas le cas, c’est une partition dont il était extrêmement fier, qui était sa version de cœur mais qu’il a du abandonner à cause de contraintes techniques de l’époque, donc nous ne sommes pas du tout dans quelque chose qui est rejeté, mais au contraire, dans la pensée du compositeur qui n’a pas pu être assouvie à l’époque. Dans ce cas de figure, ca mérite d’être remis sur le devant de la scène.

Russe

Quel lien y a t’il entre la musique russe de Stravinski et celle de Ravel (et Debussy) ?

Mathieu Romano : Il y a le lien des ballets russes, Stravinski était très influencé par Ravel et Debussy. Diaghilev qui commandait tant de musique de ballet à cette époque, à des compositeurs russes, mais aussi français. Il y a eu beaucoup d’échanges, et Stravinski était très influencé, notamment au début de son arrivée dans les ballets russes, et nous pouvons faire le lien avec Rossignol que nous sommes en train de donner au Théâtre des Champs Elysées, avec Aedes et Les Siècles, on voit que Stravinski au début de Rossignol (en 1904) écrit à la manière de Debussy et Ravel, c’est très français, Stravinski était très inspiré par la musique française de son époque.

Pianola

Comment fonctionne un pianola et quel est l’intérêt et la difficulté de travailler avec cet instrument ?

A l’époque, c’était un mécanisme de cylindres, qui étaient joués et lus, et en fonction, avec un système pneumatique, des touches étaient actionnées. Maintenant, c’est plus simple et plus complexe à la fois, à savoir que le piano (un vrai piano) est commandé par un ordinateur qui déclenche une série de mécanismes dans le piano et lui dit à chaque note à quelle pression enfoncer la touche, pendant combien de temps, et quand mettre la pédale. C’est à la fois très précieux, parce qu’on peut tout programmer et à la fois très long parce qu’il faut sur chaque note programmer sa longueur, son intensité, et sa manière d’être attaquée.



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